TRIBUNE – L’opinion publique en Tunisie s’est émue, au cours de la semaine passée, des propos si malveillants proférés par le député Kassas – qui ne cesse de faire le pitre – à l’égard de nos concitoyennes. Et un tollé général a suivi ces propos du genre que la «femme doit laver les pieds de son mari à chacun de ses retours au logis» ou encore que «l’épouse, partageant la couche de son époux, ne peut lui tourner le dos qu’après avoir obtenu, au préalable, son autorisation».
De pareilles insanités débitées dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale Constituante ont eu un écho considérable au-delà de nos frontières et un foisonnement de réactions désapprouvant Kassas sur les réseaux sociaux.
Par contre, un méfait infiniment plus grave et plus dramatique a eu lieu, quelque temps auparavant, exactement le 14 avril dans un établissement scolaire de Chibok (nord-est du Nigeria à hauteur de la frontière avec le Cameroun) où 276 lycéennes ont été enlevées par le groupe armé Boko Haram, alors que 53 d’entre elles ont réussi, miraculeusement, à échapper aux griffes de leurs ravisseurs.
Cet enlèvement massif, acte sans précédent dans l’histoire humaine – tout comme les condamnations à mort en groupe de 500 Frères musulmans en Egypte – a eu un grand retentissement mondial et porte une énorme atteinte à l’image de l’Islam et à la dignité humaine en général.
Et pour narguer davantage les familles nigérianes, le chef de cette secte islamiste, Abubakar Shekau – qui s’oppose à l’éducation des filles condamnées à rester cloîtrées dans leurs foyers -, a indiqué dans une vidéo que les lycéennes kidnappées «seraient traitées en esclaves, vendues et mariées de force».
Depuis, l’émotion est des plus vives à travers le monde entier sauf, fait étonnant, dans les capitales arabes y compris la Tunisie. Ce kidnapping horrible et hors normes est presque passé sous silence, à l’exception, toutefois, de l’intervention du grand mufti d’Arabie Saoudite qui a déploré l’enlèvement des lycéennes et jugé que «Boko Haram s’est trompé de voie». Mais où sont passés les ténors et défenseurs des droits de la femme dans le monde musulman ? Car, ces jeunes filles ont été enlevées par une secte qui prétend défendre la pureté de l’Islam de l’éducation à l’occidentale.
Pourquoi les sociétés civiles arabes, chez nous aussi, et les défenseurs des droits de l’homme n’ont-ils pas encore réagi, alors qu’une femme comme Michelle Obama, première Dame américaine, n’a pas manqué d’exprimer sa colère et son chagrin face à ce grave forfait ? Elle a mis en ligne une photo d’elle portant un écriteau sur lequel on pouvait lire «Rendez-nous nos filles».
Quant au Conseil de sécurité des Nations unies, il a fait part de son indignation et réclamé la libération immédiate des lycéennes menaçant de prendre des mesures contre les insurgés…
Notons, par ailleurs, que des spécialistes occidentaux, de fins limiers, ont été dépêchés sur les lieux, munis de capteurs à distance pour dénicher les kidnappées avant qu’elles ne soient transférées au Cameroun voisin.
Autant de fébriles actions et réactions internationales, déclenchées du fait que, par cette razzia, la secte Boko Haram a dépassé tout entendement, peuvent coûter cher aux djihadistes. Elles indiquent, aussi, que ce groupe a perdu, pour de bon, une bataille essentielle. Celle des médias ! Et par son acte barbare, Boko Haram a porté un coup supplémentaire à l’esprit de tolér ance qui imprègne à l’évidence l’Islam, religion encore si mal comprise dans les sociétés occidentales, et pour cause !
MBY