TRIBUNE – L’abdication du roi d’Espagne, Juan Carlos, en a surpris plus d’un, particulièrement au sein du monde arabe où les monarques, voire les présidents, sont vissés à vie sur leur trône qu’ils ne quittent, généralement, que sur une civière à l’article de la mort ou suite à un putsch.
Certes, le roi Carlos était fragilisé par les scandales financiers de son entourage familier direct, particulièrement ceux de sa propre fille et de son gendre et lui-même souffrait des séquelles d’un accident, lors d’une partie secrète de chasse à l’éléphant, au Botswana, alors que l’Espagne était noyée jusqu’au cou dans le marasme économique, mais le peuple l’affectionnait bien. N’a-t-il pas, entre autres, su et pu établir la démocratie dans le pays et cela dès son accession sur le trône en 1975, à la mort du dictateur Franco ? Celui-ci l’a choisi pour lui succéder à ce poste et l’a «entraîné» pour cette délicate fonction dans une Espagne déchirée.
Un roi qui abdique, vous ne verrez pas cela au Proche-Orient. Et des fois, c’est le fils qui détrône le père. C’est la mésaventure qui est arrivée au sultan d’Oman qui était, à l’époque, en visite officielle en Tunisie quand son descendant, Kabous, l’a, tout bonnement, déposé. Il le fit cantonner au Royaume-Uni et son père mourut en exil…
Récemment, l’ambitieux émir du Qatar, qui tenait à jouer un grand rôle politique à la tête du monde arabe et même international sans aucun rapport avec l’étroitesse de son minuscule territoire pétrolier, s’est trouvé acculé à remettre les rênes du pouvoir à son fils, novice en la matière. Cela s’est fait sous les coups de boutoir de Washington. La Maison-Blanche lui reprochait, en effet, d’aider les rebelles djihadistes en Libye, auteurs de la tuerie de Benghazi où quatre Américains, dont l’ambassadeur, ont été atrocement assassinés. De surcroît, l’émir Hamad Ben Khalifa Al-Thani s’est attiré l’animosité de l’Arabie Saoudite pour s’être allié aux Frères Musulmans de Morsi, dégagé et emprisonné depuis.
Dans le monde arabe, exception faite du Liban, où l’alternative du pouvoir est entrée dans les mœurs et probablement en Tunisie qui est sur le chemin de la démocratie effective, présidents et monarques ne cèdent nullement le pouvoir de leur propre chef à moins qu’ils n’y soient contraints par la force. Et certains d’entre eux vont jusqu’à préférer marcher sur le cadavre de leur propre père afin de se maintenir à la tête de l’Etat que de renoncer à un iota de leurs prérogatives.
Admirez les faits et méfaits du si nuisible et détestable Al-Assad qui a choisi d’assister à la destruction de la Syrie -es dégâts matériels sont évalués, pour le moment, à 143 milliards de dollars- que de remettre le pouvoir à autrui et en finir avec ce drame, qui perdure depuis trois longues années, faisant 160.000 morts, des centaines de milliers de blessés, alors qu’un tiers de la population s’est réfugié à l’étranger. Il est «auréolé» du titre de premier criminel de guerre des temps modernes… et sera probablement poursuivi pour avoir fait gazer ses ennemis.
Pire encore, le chef des Alaouites vient de monter une mascarade d’élection faussement pluraliste pour se donner une quelconque légitimité, alors que les territoires du pays lui échappent à 50% dans une guerre civile des plus atroces où tous les dépassements ont été enregistrés. La jeunesse court vers la fournaise syrienne de tous les coins du monde pour participer au «Djihad» contre le «mécréant» Al-Assad. Celui-ci a trouvé auprès de Moscou et Téhéran des points d’appui «salutaires», ainsi que du côté du chiite libanais Nasrallah qui l’alimente de ses redoutables baroudeurs…
Au pouvoir depuis l’an 2000, Bachar Al-Assad préfère prolonger la guerre de plusieurs années encore que de renoncer au pouvoir, et aux privilèges accordés à son clan alaouite, conditions primordiales exigées par la résistance syrienne. Quant aux interventions directes des puissances étrangères dans ce ruineux conflit, elles se trouvent bloquées par les vetos successifs russes et chinois à l’ONU et l’apparition d’unités djihadistes relevant de la nébuleuse Al-Qaïda et consorts. De véritables épouvantails pour les Occidentaux !
Le pouvoir dans le monde arabe et musulman, ça s’arrache pour ne jamais être cédé volontairement, fût-ce à coups de canons… C’est là, en général, un «principe» désastreux des parvenus au faîte de l’Etat. Un président élu à vie grâce aux subterfuges est une «spécialité» du monde en voie de développement. Elle s’est vite répandue de l’Amérique latine à l’Afrique, cas dégradant de notre Bourguiba qui n’a pas suivi l’exemple de Senghor au Sénégal, en passant par l’Europe où le mauvais exemple a été donné par l’inamovible Tito dans l’ex-Yougoslavie.
M’hamed Ben Youssef