A l’instar des Palestiniens qui sont arrivés en Tunisie en 1982, et qui donnaient à leurs leaders des pseudonymes et des noms d’emprunt tels que Abou Jihad, Abou Iyad …
on a commencé à cette époque à appeler nos ministres à nous les Abou, une façon de mettre à nu leurs portraits dissimulés : les vrais.
Ainsi le Premier ministre était «Abou de souffle», celui de l’Économie «Abou d’argument» et le ministre de l’Intérieur devenait «Abou portant».
Une vingtaine d’années plus tard TUNeZINE l’un des principaux sites web de l’opposition tunisienne fondé par l’économiste Zouheïr Yahyaoui, compte tenu de ses écrits ironiques et caustiques souvent en dialecte tunisien dénonçant la censure et le non respect des droits de l’Homme, a relancé cette jolie mode :
Ainsi, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi est appelé (Abou … Sit khal) entendez «Bouset Khal» qui signifie «grain de beauté».
Le secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé de la privatisation : Moncef Hergli (Abou du dépôt de bilan).
Le ministre d’Etat conseiller spécial auprès du président, Abdelaziz Ben Dhia (Abou de souffle).
Le ministre directeur du cabinet présidentiel : Ahmed Iyadh Ouederni, (Abou du couloir).
Le ministre de la Défense nationale : Hédi M’henni (Abou Gharib).
Le ministre du Transport : Abderrahim Zouari (Abou … gosse), autrement le «Beau gosse».
Le ministre du Commerce et de l’Artisanat Mondher Zenaïdi (Abou, totalement à bout)
Le ministre des Affaires religieuses Boubaker El Akhzouri (Abou d’argument)
Le ministre des Affaires étrangères Abdelbaki Hermassi, (Abou … limiquqe)
Le ministre de la Justice et des Droits de l’homme : Béchir Tekkari, (Abou de patience)
Le ministre de l’Intérieur et du Développement local : Rafik Belhaj Kacem (Abou … lis) entendez «Boulis» = flic.
Le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur chargé des affaires régionales et des collectivités locales: Mongi Chouchène (Abou portant)
Le ministre du Domaines de l’Etat et des Affaires foncières Ridha Grira (Abou de bras)
Le ministre de l’Education et de la Formation : Raouf Najjar (Abou de course)
Le ministre des Technologies de la Communication : Montassar Ouaili (Abou de nerfs)
Le ministre de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire Samira Khayach Belhaj) (Abou des rides)
Le ministre de l’Enseignement supérieur Lazhar Bououni (Abou des étudiants)
Le ministre de l’Industrie, de l’Énergie et PME Afif Chelbi (Abou de force)
Le ministre de l’Environnement et du Développement durable : Nadhir Hamada (Abou d’air pur)
A noter que l’auteur du site a été condamné par la quatrième chambre de la cour d’appel de Tunis à une peine de prison pour «propagation de fausses nouvelles dans le but de faire croire à un attentat contre les personnes et les biens» et «vol par utilisation frauduleuse des moyens de communication».
Il passe un an et demi à la prison de Borj El Amri où il subit torture et humiliation.
Il entreprend des grèves de la faim pour protester contre sa détention. Il bénéficie d’une libération conditionnelle le 18 novembre 2003 grâce à des pressions internationales. Il meurt à l’âge de 37 ans d’une crise cardiaque le 13 mars 2005 à l’hôpital Habib Thameur de Tunis. Un an après son décès, le site stoppe toute activité.
Zouheïr Yahyaoui avait le culot de diffuser entre autres la lettre ouverte que le Juge Mokhtar Yahyaoui, son oncle, adresse à l’ex-président pour dénoncer l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire.