Le Venezuela traverse en ce moment l’une des pires crises économiques de son histoire. Une pénurie des denrées alimentaires de base et une inflation qui pourrait atteindre les 1.000.000% d’ici la fin de l’année, selon le FMI, ont contraint près de 1,6 million de Vénézuéliens à quitter le pays depuis 2016. Selon le président socialiste, Nicolas Maduro, cette situation catastrophique est la conséquence d’une « guerre économique livrée par les Etats-Unis et la droite vénézuélienne pour le renverser ». Cette dernière pointe du doigt, quant à elle, « le régime dictatorial de l’ancien président Hugo Chavez « qui n’a pas su endiguer la corruption et l’évasion fiscale dans le pays ». Mais la réalité est bien plus complexe qu’elle n’y paraît…
« On ne peut plus aspirer un bel avenir ici. Notre seule priorité est de trouver de la nourriture », confie une jeune maman vénézuélienne au journal Le Monde. À Caracas, la capitale, la précarité ne fait que s’accentuer au rythme d’une inflation incontrôlée.
Certains habitants sont contraints de transporter dans une brouette de fortune une quantité invraisemblable de billets de 500 bolivars forts pour aller faire leur course. Dans une tentative désespérée de maîtriser, un tant soit peu, cette hyperinflation, le bolivar fort a été remplacé, lundi 20 août, par le bolivar souverain au taux de 1 bolivar souverain pour 100 000 bolivars forts.
La semaine dernière, le Pérou a fait savoir qu’il ne pouvait plus accueillir les Vénézuéliens qui fuient leur terre natale. Mais comment le pays le plus riche d’Amérique latine, en terme de ressources naturelles, a-t-il pu en arriver là ?
La folie des grandeurs d’Hugo Chavez
Pour mieux comprendre la situation actuelle, il faut remonter quinze ans en arrière, à l’époque où le charismatique Hugo Chavez avait tout misé sur l’exploitation de l’or noir pour mener à bien sa révolution. Contrairement à ce que l’on croit, le Venezuela possède la plus grande réserve de pétrole au monde (300 milliards de barils, soit 18% des réserves mondiales), devant l’Arabie saoudite.
En dix ans, Chavez réussit à diminuer la pauvreté de moitié et l’extrême pauvreté de deux tiers. Il augmente drastiquement les aides sociales et construit des millions de logements sociaux. Malgré les critiques concernant sa politique militaire et despotique, Chavez est adoré par les classes populaires et fait l’unanimité au Venezuela.
Mais ce fervent opposant au capitalisme n’a pas tardé à s’attirer les foudres des Etats-Unis lorsqu’il signa le Petro Caribe, un accord de distribution du pétrole à tarifs préférentiels, aux pays des Caraïbes. Avec l’Alliance Bolivarienne, ces accords viennent s’opposer à la création d’une zone de libre-échange avec les États-Unis, afin que le pétrole, « ancien outil de domination », devienne « un instrument de libération » pour le Venezuela et ses voisins.
En dépit de la bonne santé économique du pays, El Commandante, comme le surnomment ses fidèles, n’arrive pas à endiguer la corruption, l’évasion fiscale et le trafic de drogue. Affaibli par la maladie, Chavez confie à son conseiller et ami, Nicolas Maduro, la tâche de lui succéder et de continuer sa politique. Ce dernier ne va pas tarder à payer les pots cassés.
Le pari manqué de Maduro
Lorsque Maduro prend le pouvoir en 2013, 95% de l’économie du pays repose sur la production du pétrole. Mais en 2016, la chute brutale des cours du pétrole contraint le président socialiste à baisser les aides sociales et à dévaluer la monnaie. Cerise sur le gâteau, les Américains mettent le pays sous embargo pour tenter d’attiser la révolte des classes populaires et de renverser le successeur anticapitaliste de Chavez.
A trop vouloir continuer la politique de son mentor, Maduro a mis tous ses œufs dans le même panier et n’a pas su anticiper l’effondrement du prix du baril. Conséquence, le bolivar fort connaît une inflation vertigineuse, les denrées alimentaires essentielles telles que le riz, la farine et le porc viennent à manquer dangereusement et la population s’enfuit vers les pays voisins pour tenter de commencer une nouvelle vie.
Actuellement, Maduro est acculé par l’opposition de droite, l’hostilité des Américains et l’indifférence de la communauté internationale. Les seules chances qu’il a de sortir son pays de la crise serait de démissionner en espérant que les Etats-Unis lèvent le blocus ou de faire du trafic de cocaïne une véritable manne financière comme l’a fait l’ancien président colombien, Juan Manuel Santos, lorsqu’il signa un traité de paix avec les FARC.
Mohamed Habib LADJIMI
Tunis-Hebdo du 27-08-2018