Il était une fois, ainsi commencent tous les contes, une grande maison où il y avait une chambre noire. Si noire que dans la tête des habitants de la maison, elle était devenue, dans le couloir sombre où elle se trouvait, totalement invisible. Quand on ne l’évitait pas pour des raisons que nous allons connaître, on passait devant elle, comme si elle n’existait pas. Et à la longue, on avait fini par croire fermement à son inexistence !
De cette chambre on ne voulait rien savoir, parmi les habitants de la maison, et ceux du quartier aussi. Et lorsqu’on en savait quelque chose, on n’osait pas en parler, parce que ceux qui en parleraient risquaient la colère de je ne sais quel « jinn » qui, dans la croyance des habitants, hantait les lieux. C’est pour cela que la peur aidant, régnait la loi du silence sur cette chambre.
Cette chambre noire n’était pas sans leur rappeler la septième porte de plusieurs contes de chez nous. Une porte interdite, qu’il ne fallait pas tenter d’ouvrir, au risque de s’attirer un grand malheur. Mais l’un des habitants de la maison s’est rappelé un jour que dans ces mêmes contes, il y avait toujours un jeune homme, ou une jeune femme, qui osait braver le tabou de la septième porte, tout en en assumant les conséquences.
Fort de ces expériences ancestrales, cet homme eut, enfin, l’audace d’aller ouvrir la chambre noire. Fut-il seul dans cette aventure ou a-t-il été soutenu par certains voisins ? Notre histoire ne le dit pas, mais ce que l’on sait par contre, c’est que son acte téméraire n’a pas laissé indifférents les gens de la maison et du quartier. « Voilà un homme courageux ! », dirent les uns. « Malheur à lui ! Il a brisé le tabou, le « jinn » ne lui pardonnera jamais son acte irresponsable », répliquèrent les autres.
L’histoire ne dit pas non plus ce que, l‘on trouve exactement dans cette chambre noire, mais il est certain que les habitants de la maison et de tout le quartier ont été soulagés en sachant qu’il n’y avait plus de chambre noire et que son contenu a été transféré à un autre lieu, où, peut-être, on ne craint pas les « jinn ». Un seul doute persiste quand même chez certains de ces habitants : et si cette nouvelle chambre, qui a accueilli les contenus si secrets de l’ancienne chambre, devenait, à son tour, aussi noire ?
Dans les contes de chez nous, assurent ces éternels sceptiques, des miracles heureux ou malheureux viennent souvent bouleverser des situations que l’on croyait définitivement réglées. Notre histoire pourra-t-elle donc avoir un prologue inattendu ? Attendons, alors, encore un peu, avant de pouvoir conclure, comme finissent tous nos contes : Wahkayetna ghaba ghaba, âam éjjay tjina saba » !
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(*) Rien à voir avec « Le mystère de la chambre jaune » de Gaston Leroux.
Adel LAHMAR
Tunis-Hebdo du 19/11/2018