Ce mets si national, particulièrement apprécié depuis plusieurs générations – surtout lorsque le froid matinal sévit – ne cesse de faire des émules partout. Et cette saison, de loin, plus que les autres…
En effet, si au passé, il n’y avait que quelques gargotes traditionnelles dans les rues de la Médina de la capitale, servant ce repas à base de pois-chiche si apprécié chez nous, depuis belle lurette, notre capitale pullule, aujourd’hui, de revendeurs de « Lablabi » chaud, bien chaud !
On en trouve presque dans tous les quartiers de Tunis, y compris les cafétérias chics, ceux de l’avenue Bourguiba de même. Quelle grandeur !
C’est ainsi que le nombre de lieux servant ce met est en passe de dominer les autres et on en trouve partout et à un prix modique.
A noter que notre « Lablabi » aurait dû être inscrit au patrimoine national, voire international, à l’image de notre vénérable « couscous » à l’agneau ou au poisson…
A ce propos et pour l’anecdote, quand Bourguiba traita longuement sa biographie à une assemblée d’étudiants, de futurs journalistes, au sein de l’IPSI (l’Institut de presse), il ne manqua pas de faire une révélation aussi étonnante que burlesque : « Je croyais, a-t-il narré, ne pouvoir jamais devenir paternel. C’est parce que physiquement, et depuis ma naissance, je n’avais qu’une seule boule à mon sexe ».
Cette révélation a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans l’opinion publique du pays tout entier, et ailleurs dans le monde aussi…
Du coup, le citoyen lambda s’en est emparé pour en faire, et cela durant plusieurs années – et tant que notre Raïs était en vie – son choux préféré.
Et quand le céans des lieux dans une gargote demandait à quelqu’un : « Tu veux un lablabi à deux œufs ? », l’autre de répliquer, généralement, afin de plaisanter finement : « Non monsieur, comme Bourguiba, à un seul SVP ! ».
Instantanément, cela provoquait le rire sonore de toute la clientèle présente, les serviteurs et le cuisinier compris.
Je ne pense pas qu’à l’époque, il y avait en Tunisie une personnalité quelconque d’une perspicacité exemplaire et étant, elle, « physiquement normalement constituée », en mesure de rapporter à « Si Lahbib » cette anecdote du « lablabi à deux œufs ou à un seul ? ». Toutefois, l’a-t-il appris par les rapports secrets des « Moukhabarat » de son ministère de l’Intérieur ? C’est peu probable aussi…
Quant à la question qui reste toujours posée, qu’est-ce qui aurait poussé notre patriarche à faire une confidence aussi personnelle et normalement aussi secrète à tout un pays, ainsi qu’au monde extérieur à la Tunisie, et cela, à la radio et la télévision nationale.
D’un autre côté, pourquoi avoir causé tant de gêne à son fils Bourguiba Junior ?! Du reste, heureusement que son seul et unique enfant – né de son union avec Mathilde, la Française devenue, par la suite, musulmane en Tunisie, sous le prénom de Moufida – n’a pas pris un nouvel grand ombrage, comme à une certaine période.
Car, il connaît bien les écarts de comportement et de langage de son paternel qui prenait de l’âge, en ce moment-là. Toujours est-il que Bourguiba Junior, quoique d’un sang franco-tunisien, ressemble énormément à « Si Lahbib », la taille uniquement les différenciant.
Par ailleurs, les relations père et fils, leur vie durant, étaient vraiment conflictuelles. Et quand son fiston commettait un dépassement quelconque ou qu’il soit nommé à un poste ministériel de souveraineté, comme ce fut le cas de ceux des ministères des Affaires étrangères ou de la Justice, « Si Lahbib » lançait, tout bonnement, à son entourage du premier cercle et à ceux qui donnaient l’impression de juger qu’il y a un certain empressement dans ces nominations, voire prématurées : « N’oubliez pas que j’ai divorcé de sa maman et j’ai épousé Wassila ».
M’Hamed BEN YOUSSEF
Tunis-Hebdo du 14/02/2022