L’ancienne tenniswoman Selima Sfar, première femme arabe à intégrer le top 100 au classement WTA, a décidé de briser le silence. Trente-cinq ans après les faits, elle accuse de viol son ancien entraîneur Régis De Camaret.
Dans un témoignage livré à L’Équipe, elle raconte les violences sexuelles subies de la part de son ancien entraîneur alors qu’elle n’avait que 12 ans.
Agée aujourd’hui de 46 ans, Selima Sfar indique avoir été victime d’abus sexuel de la part de son entraîneur pendant trois ans, lorsqu’elle avait rejoint son centre d’entraînement à Biarritz.
« Quand j’avais 12 ans et demi, j’ai été abusée par Régis de Camaret. Personne ne connaît mon histoire (…) J’ai mis longtemps à me libérer. C’est un gros traumatisme. Quand ça arrive, on se dit : « J’ai tout sacrifié pour ça, il faut que j’y arrive. J’ai bossé comme une malade. Toute ma vie, j’ai pensé que j’étais faible, lâche, nulle. Jusqu’à ce que je comprenne.
Aujourd’hui, à 46 ans, je peux parler parce que j’ai beaucoup travaillé sur moi et que j’ai été aidée. La honte a disparu. Quand je pleure, c’est de l’émotion. Ce ne sont pas les mêmes larmes. La honte s’est transformée en fierté. Je suis fière de ce que je suis devenue. », a-t-elle dit.
« J’ai mis 25 ans à me l’avouer, 35 ans à le dire publiquement. Respect à Isabelle Demongeot et toutes les femmes qui ont parlé. Je comprends qu’on ne parle pas, il faut le faire au moment où on le sent », a-t-elle encore ajouté.
Et de poursuivre : « Je venais d’un pays arabe. Tout ce que je savais était qu’il était l’un des meilleurs coaches du monde, un peu « Dieu » dans le tennis en France et si je voulais vraiment devenir championne, j’avais besoin de lui. (…) À chaque fois, c’était la même chose, j’étais paralysée. Ça a duré pratiquement trois ans ».
La joueuse détaille aussi les conséquences de ces abus sur sa vie de femme et d’athlète : « Dans ma tête, je me disais pourquoi je n’ai pas eu la force de dire non, pourquoi je n’ai pas dit non, je suis lâche. Sur le court, à chaque moment où j’avais besoin de confiance en moi et de faire un choix, c’était hyper dur ».
Régis de Camaret a été condamné en 2014, à dix ans de prison ferme pour viols et tentative de viol, sur deux de ses anciennes joueuses.
Selima Sfar a été professionnelle de 1999 à 2011. Elle a été la première joueuse arabe à atteindre le top 100 mondial. Elle a commencé le tennis dès son plus jeune âge au Tennis Club de Carthage avant de quitter la Tunisie pour s’entraîner en France aux côtés de Nathalie Tauziat et Régis de Camaret.
Chez les juniors, elle gagne en 1992 l’Arab Junior Singles et accède aux quarts de finale du tournoi junior à Roland-Garros. En 1994, elle est championne d’Afrique junior.
Elle devient professionnelle en 1999, à vingt-deux ans. En 2000, elle se qualifie pour le grand tableau à l’US Open : elle est alors la première Tunisienne à réaliser une telle performance. Le 16 juillet 2001, elle se hisse ainsi au 75e rang mondial.