C’est au courant de cette semaine que le Chef du gouvernement, Habib Essid, présentera aux élus de l’Assemblée des Représentants du Peuple une sorte de bilan des premiers mois de son investiture et tentera de présenter son programme d’action pour le futur.
Il est évident qu’au vu de la conjoncture particulièrement trouble traversée par le pays, personne ne peut se montrer satisfait, sauf ceux qui continuent de diffuser les discours haineux à caractère régional ou tribal, et qui menacent la paix civile et sociale dans le pays, son intégrité et son unité.
Il convient de souligner que le gouvernement Essid a hérité, par ailleurs, comme son prédécesseur, d’une situation économique particulièrement délicate pour ne pas dire catastrophique avec une production et une croissance à l’arrêt. Mehdi Jomaa et son équipe n’étaient pas parvenus à redresser la situation ou à relancer l’activité économique, ce qui n’a guère facilité la succession.
A cela, il faut ajouter deux aspects, outre l’aspect strictement sécuritaire, et que l’on peut considérer comme très dangereux pour la poursuite des activités sociales dans une meilleure atmosphère :
Tout d’abord, une sorte d’indiscipline touchant toutes les couches sociales exprimée sous forme de revendications irréalistes ou de contestations intempestives frisant une propension au jusqu’au-boutisme et pouvant mener le pays à une complète déperdition, ce qui ne serait pas loin d’être rapproché d’un suicide collectif prémédité !
En second lieu, un climat marqué par un manque total de confiance entre les structures de l’Etat et son environnement que ce soit du côté des investisseurs qui rechignent encore à s’impliquer davantage dans le développement et la relance de l’économie nationale, ou du reste des citoyens.
Autrement dit, le gouvernement Essid s’est retrouvé devant des problèmes sociaux multiples avec parfois des objectifs aux antipodes les uns des autres.
Il y a, en premier lieu, les revendications des diverses corporations notamment parmi les agents publics, quels que soient leurs rangs, qui sont probablement fondées vu la chute brutale de leur pouvoir d’achat, mais dont la satisfaction semble très difficile dans l’état actuel des choses.
Ces agents publics, qui sont chargés de services publics ayant une forte implication sociale, on parle ici notamment des enseignants ou ceux œuvrant dans la santé publique, pourraient mettre un peu d’eau dans leur moulin et donner la possibilité et le temps suffisant au gouvernement pour trouver les solutions idoines, et essayer de les satisfaire.
En second lieu, il y a les réclamations des jeunes, notamment dans les régions minières, le bassin minier de Gafsa en particulier, qui ont atteint un seuil difficilement tolérable dans la mesure où leur action, aussi légitime soit-elle, ne peut bloquer ou mettre en péril l’économie de tout un pays, des milliers d’emplois et d’importantes recettes pour l’Etat.
Aujourd’hui, il semble que des prémices de reprise sont apparues grâce, notamment, à l’intervention des structures de l’UGTT qui ont pu rétablir le dialogue avec ces jeunes et ouvrir des perspectives positives. On ne peut que s’en réjouir tout en espérant qu’aucune minorité, aussi injustement écartée du développement économique, ne continue à tenir en otage tout un pays.
En troisième lieu, il y a ces campagnes menées de manière fort insidieuse qui fleurissent et qui sont en train de plonger le pays dans une sorte d’hystérie collective. Cela a commencé par « Wino El Pétrole ? (Où est le Pétrole ?) », un slogan qui laisse croire que notre pays se trouverait au-dessus d’un puits de pétrole.
Aujourd’hui, on lance une campagne sous le slogan « « Wino El Me (Où est l’eau ?) » et « Hell El Doussi (Ouvre le dossier) ». Il nous semble qu’il s’agit là d’une véritable et vaste œuvre de manipulation loin d’être innocente dans la mesure où elles peuvent avoir de très graves incidences sur le pays sur le plan socio-politique et dangereuses pour sa stabilité.
Si on a en tête que le terrorisme est encore, et plus que jamais, à nos portes, et constitue une très sérieuse menace qui plane quotidiennement sur nous, on ne peut qu’être perplexe quant à ces comportements dont les objectifs semblent être strictement électoralistes.
Maintenant, il convient, aussi, de dire que le gouvernement Essid s’est montré très indécis dans ses initiatives et dans ses prises de décisions.
On peut reprocher au Chef du gouvernement l’absence d’un programme avec des orientations précises, une stratégie claire et des échéances rigoureuses, un certain manque de fermeté et de charisme dans certaines situations, avec notamment un terrible déficit en termes de communication, et peut-être aussi une sorte de léthargie intellectuelle avec une absence d’originalité dans la recherche de solutions nouvelles pour notre pays.
Les anciennes « recettes » de gouvernance et de gestion doivent être substituées, aujourd’hui, par de nouvelles approches fondées davantage sur la participation et l’implication des principaux intéressés ou concernés, une gestion plus « diplomatique » marquée par le sceau de l’intégrité et de la transparence.
Il faut dire, enfin, que les partis, qui sont tous en nette perte de vitesse sur le plan populaire, ne jouent pas leur rôle d’encadrement, utilisant au contraire la surenchère pour tenter de reconquérir une place sur l’échiquier politique. Même ceux faisant partie de la majorité gouvernementale ne sont pas unanimes quant à leur soutien franc et total au gouvernement Essid.
S’ils jouent le jeu au sein des institutions, il n’est pas certain qu’ils en font de même dans la rue. Or, aujourd’hui, la Tunisie a besoin d’un sursaut national engageant toutes les parties prenantes, les institutions, la société civile et le peuple, pour espérer sortir le pays vers des rivages plus calmes, plus sereins et plus sécurisants.
L.L.