Devons-nous, en Tunisie, relever, effectivement, du statut d’une quelconque république bananière ? C’est là, du moins, ce que risquent de penser plus d’un, aussi bien, chez nous, qu’à l’étranger…
En plus des lamentables bagarres sans fin entre les diverses factions politiques jusqu’au-boutistes siégeant à l’ARP, il y a cette multitude de manifestations, aussi bien diurnes que nocturnes, à travers la plupart de nos différentes contrées et cela en violation flagrante du couvre-feu.
A rappeler que la plupart de ces « manifs » – menées par des jeunes, voire des écoliers manipulés, le plus souvent, par certains politiciens -, ont été accompagnées de casses de biens d’autrui, suivis de vols qualifiés et d’incendies.
Ajouter à cela le refus, du moins pour le moment encore, du président Kais Saïed de recevoir les nouveaux ministres fraîchement désignés lors du tout récent remaniement. Refus justifié, à ses yeux et à ceux d’une grande frange de la population, du fait que certains nouveaux ministres, sur lesquels s’est porté le choix du chef du Gouvernement Hichem Mechichi, ne sont pas, paraît-il, hors de tout soupçon de corruption et de conflits d’intérêts.
A ce propos, il y a une solution, certes mi-figue mi-raisin, consistant à ce que Kais Saïed reçoive, et cela pour le serment uniquement, ceux des ministres qui sont mis hors de cause.
C’est là une éventuelle solution à exploiter, d’autant plus que la Tunisie ne dispose pas, dix ans après la Révolution, d’un haut-conseil d’Etat pour arbitrer les conflits entre l’Assemblée, la présidence et le Premier ministère.
Les têtes de ce trio, doit-on le rappeler, sont en perpétuels désaccords. Et la paire composée du cheikh Rached Ghannouchi et de Hichem Mechichi continue de faire bloc au locataire du Palais de Carthage.
Cerise sur le gâteau, voici qu’éclate, d’une façon tout à fait inattendue, cette histoire vraie ou fausse du courrier empoisonné expédié à Kais Saïed. C’est sa cheffe de cabinet, Nadia Akacha, qui, paraît-il, l’aurait ouvert, sans que les services de sécurité n’aient pris, au préalable, le soin de vérifier le contenu de cette missive criminelle. Cette responsable aurait été prise d’un malaise et dût suivre des soins à l’Hôpital Militaire de Tunis.
Quoi qu’il en soit, cette bévue n’aurait jamais dû arriver au sein d’une haute administration qu’est l’illustre présidence, grand symbole de notre « tunisianité ». Le Palais de Carthage ne dispose-t-il pas de plus de deux mille employés entre cadres et agents relevant directement de Kais Saïed ?
Sous Ben Ali, à titre d’exemple, notre ancien dictateur a eu toujours recours, en plus d’une technologie de pointe pour déceler tout objet inconvenant, de chiens renifleurs de substances dangereuses. Ces divers moyens sont-ils vraiment disponibles, aujourd’hui, au Palais ? Des précautions de ce genre ont-elles jamais été prises dans ce haut-lieu ? That is the question…
A noter qu’à la stupéfaction des personnes averties, le fait que c’est le président algérien qui fut le premier – avant tout le monde et même avant la publication, en retard de 24 heures environ, du communiqué présidentiel pour informer les Tunisiens – à s’enquérir, dès jeudi soir, de l’état de santé de Kais Saïed en lui téléphonant. Information transmise simultanément par la chaîne TV française « France 24 ».
Entretemps, les auditeurs tunisiens ont dû se fier aux fragments de nouvelles et aux annonces fantaisistes publiées sur les réseaux sociaux.
Rien d’étonnant à ce que les Algériens aient été mis au parfum avant tout le monde. Les « Moukhabarat » de nos frères algériens sont toujours sur le qui-vive et prompts à disposer, au plus vite, des informations inédites et adéquates.
De Tunis, un agent, relevant de notre voisin de l’Ouest, aurait, dare-dare, certainement contacté le responsable de son QG, à Alger. Ce dernier a, de suite, annoncé « cette mauvaise nouvelle » au président Abdelmajid Tebboune.
Celui-ci, de son côté, a vite pris contact avec Kais Saïed afin de désavouer ce grave méfait. Quant au reste des Tunisiens, ils sont restés lamentablement hors-jeu, victimes d’un blackout complet de la part des médias officiels.
Doit-on rappeler, pour l’occasion, que lors de l’organisation du putsch par Ben Ali et son comparse Habib Ammar, les « Moukhabarat » algériennes étaient au courant, à l’avance, de ce qui se tramait la nuit du 6 au 7 novembre 1987 au ministère de l’Intérieur.
Il en va de même pour les renseignements italiens. Le patron de ces derniers a été jusqu’à mettre à disposition du duo Ammar/Ben Ali un hélicoptère parqué secrètement à la base aérienne d’El Aouina. Il s’agissait de faire embarquer les putschistes, au cas où l’opération échouait, et cela à destination de la première base italienne du côté de l’autre rive de la Méditerranée.
Encore un point à mettre en évidence, c’est qu’il est temps que Kais Saïed fasse constituer un service de communication à la hauteur de l’importance de la présidence de la République, de son immense pouvoir et de son rayonnement.
Car, la cacophonie vécue, suite à cette fameuse lettre, a dévoilé de graves tares dans un domaine aussi névralgique qu’est le service d’informations et de communications dans un monde en perpétuel évolution à la vitesse grand V.
M’hamed Ben Youssef
Tunis-Hebdo du 01/02/2021