La rencontre entre Kaïs Saïed et le ministre iranien des Affaires étrangères traduit un pari diplomatique audacieux. Entre affirmation de souveraineté, soutien à la cause palestinienne et diversification des alliances, la Tunisie tente de se repositionner dans un monde multipolaire tout en naviguant sur des eaux géopolitiques incertaines.
La Palestine reste au cœur de ce rapprochement, symbole d’un engagement tunisien qui dépasse la simple stratégie nationale. Kaïs Saïed y trouve une légitimité régionale, tout en consolidant son image souverainiste à l’échelle intérieure. Cette posture renforce également le rôle de la Tunisie comme médiateur potentiel dans la région, même si sa capacité d’influence reste limitée par ses moyens diplomatiques et économiques.
La diplomatie tunisienne, héritière de Bourguiba et Ben Ali, cherche un équilibre entre indépendance et pragmatisme. Saïed y ajoute cependant une dimension identitaire plus affirmée : la défense des droits des peuples et la dénonciation des ingérences étrangères deviennent des marques de fabrique de sa politique étrangère. Le rapprochement avec l’Iran s’inscrit ainsi dans une logique de diversification des alliances, alors que les relations avec l’Union européenne et les États-Unis sont de plus en plus conditionnées et complexes.
Mais ce pari comporte des risques significatifs. Sur le plan économique, les sanctions internationales limitent les perspectives concrètes d’investissement. Sur le plan diplomatique, une visibilité accrue auprès de Téhéran pourrait tendre les relations avec les partenaires traditionnels de la Tunisie, notamment les pays du Golfe. Les coopérations annoncées – culturelles, scientifiques, technologiques – restent largement symboliques. Pour qu’elles produisent un effet tangible, la Tunisie devra transformer ces gestes en projets concrets et réalisables.
En filigrane, cette initiative pose la question de la capacité de la Tunisie à concilier principes et pragmatisme. La souveraineté affichée doit composer avec les réalités économiques et la nécessité de maintenir des alliances traditionnelles, sources d’aide financière et de soutien politique. L’audace est là, mais la marge de manœuvre reste étroite.
Enfin, le rapprochement avec l’Iran illustre la volonté tunisienne de s’affirmer comme acteur indépendant dans un monde multipolaire, où les choix diplomatiques se doivent d’être à la fois stratégiques et symboliques. Si le pari réussit, la Tunisie pourrait accroître son influence régionale. S’il échoue, le pays risque un isolement coûteux, à un moment où ses défis économiques et sociaux exigent des résultats concrets.
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