La Chambre criminelle spécialisée dans les affaires terroristes du Tribunal de première instance de Tunis a entamé, ce mardi 11 mars 2025, l’examen d’une affaire d’une ampleur exceptionnelle : celle des réseaux d’envoi de jeunes Tunisiens vers les zones de conflit.
Ce dossier hautement sensible met en cause plusieurs figures influentes de l’appareil sécuritaire et politique tunisien, dont Ali Laarayedh, ancien ministre de l’Intérieur et ex-chef du gouvernement sous la Troïka (2011-2014).
L’affaire porte sur des accusations de facilitation du départ de jeunes tunisiens vers des zones de guerre, notamment en Syrie et en Libye, entre 2011 et 2013. A cette époque, des milliers de jeunes ont quitté la Tunisie pour rejoindre des organisations terroristes comme Daech et le Front Al-Nosra, souvent en transitant par la Turquie ou la Libye. Ces départs massifs ont été rendus possibles grâce à des filières organisées, bénéficiant d’un certain laisser-faire des autorités sécuritaires et politiques.
Les accusations visent notamment des responsables du ministère de l’Intérieur, soupçonnés d’avoir fermé les yeux sur ces départs ou d’avoir délivré des documents de voyage facilitant l’exfiltration de ces combattants vers l’étranger. Parmi eux figure*le chef de l’unité de protection des avions à l’aéroport de Tunis-Carthage.
L’affaire implique également Seifeddine Rais, ancien porte-parole de l’organisation Ansar Al Chariaa, classée comme groupe terroriste en Tunisie depuis 2013. Cette organisation extrémiste aurait joué un rôle clé dans le recrutement et l’endoctrinement des jeunes, avant de les acheminer vers les zones de conflit.
Parmi les accusés les plus médiatisés figure Ali Laarayedh, figure de premier plan du mouvement Ennahdha. Ministre de l’Intérieur de 2011 à 2013, puis chef du gouvernement jusqu’en 2014, il est accusé d’avoir négligé, voire facilité, les départs des jeunes combattants tunisiens vers la Syrie et la Libye.
L’opposition lui reproche de ne pas avoir pris de mesures fermes contre les filières jihadistes qui opéraient librement en Tunisie durant cette période, en particulier sous la couverture d’associations caritatives islamistes et d’écoles coraniques non contrôlées.
Ali Laarayedh a toujours nié ces accusations, affirmant que son gouvernement avait pris des mesures progressives pour lutter contre l’extrémisme, notamment en interdisant Ansar Al Chariaa en 2013 après l’assassinat des opposants politiques Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.