La tension était palpable ce vendredi 11 avril 2025 au tribunal de première instance de Tunis, à l’occasion de la deuxième audience très attendue du procès dit du complot contre la sûreté de l’État.
Ce dossier hautement sensible, qui implique une quarantaine de figures politiques, de militants et d’hommes d’affaires, continue de cristalliser les tensions sur fond d’accusations graves et de vives critiques contre la conduite du procès.
Une affaire aux ramifications politiques profondes
Dès l’ouverture de la séance, les avocats de la défense ont exigé l’accès immédiat des familles des prévenus à la salle d’audience, refusant le huis clos imposé par la présidence du tribunal.
Face au refus des autorités judiciaires, les avocats ont scandé des slogans en faveur d’un procès public et transparent. Ce climat tendu a contraint le juge à suspendre temporairement l’audience.
Aux abords du tribunal, un impressionnant dispositif sécuritaire a été déployé, témoignant de l’importance que revêt cette affaire dans le contexte politique actuel. De nombreux militants de la société civile étaient également présents, certains arborant des pancartes dénonçant un procès politique.
L’affaire remonte à février 2023, lorsque plusieurs personnalités publiques ont été arrêtées dans le cadre d’une vaste opération menée par les autorités tunisiennes. Parmi les chefs d’accusation : « formation d’une entente en vue de conspirer contre la sécurité intérieure et extérieure de l’État » – une accusation passible de lourdes peines en vertu du Code pénal.
Les personnes poursuivies forment un panel éclectique de l’opposition politique et de la société civile. Parmi elles :
Issam Chebbi, secrétaire général du Parti Républicain,
Ghazi Chaouachi, ancien ministre et avocat,
Jawhar Ben Mbarek, constitutionnaliste et militant politique,
Abdelhamid Jelassi, ancien cadre du mouvement Ennahdha,
Sayed Ferjani, également cadre d’Ennahdha,
Kamel Letaief, homme d’affaires,
Bochra Belhaj Hmida, avocate et ancienne députée.
Fait notable, le philosophe et essayiste français Bernard-Henri Lévy figure également sur la liste des accusés, bien qu’aucune précision officielle n’ait été donnée sur la nature exacte de son implication.
Au cœur de la polémique : la tenue des audiences à distance
Au cœur de la polémique : la tenue des audiences à distance, via visioconférence. La « Coordination des familles des détenus politiques » a dénoncé cette décision qu’elle juge attentatoire aux droits fondamentaux des accusés. Dans un communiqué, elle a appelé à la diffusion en direct des audiences sur les chaînes publiques, afin de garantir ce qu’elle considère comme les bases d’un procès équitable.
De nombreuses ONG et organisations de défense des droits humains, nationales et internationales, ont également exprimé leur inquiétude, qualifiant la situation de « grave dérive judiciaire ». Elles rappellent que le droit à un procès public et équitable est garanti tant par la Constitution tunisienne que par les traités internationaux ratifiés par la Tunisie.
La présidence du tribunal, de son côté, a invoqué des raisons de sécurité nationale pour justifier la tenue des procès à distance. Elle s’appuie notamment sur l’article 73 de la loi sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent, ainsi que l’article 141 bis du Code de procédure pénale, qui autorisent les audiences en visioconférence en cas de « danger réel ».
La prochaine audience, dont la date reste à confirmer après la suspension de vendredi, s’annonce tout aussi tendue.