Dans un communiqué rendu public ce mardi 4 mars 2025, le Syndicat national des journalistes tunisiens est revenu sur la première audience de l’affaire dite « Complot contre la sûreté de l’État » qui s’est tenue aujourd’hui, mardi 4 mars 2025, avec la comparution de plusieurs activistes politiques, hommes d’affaires et anciens responsables de l’État.
Si l’autorisation accordée aujourd’hui aux équipes de presse de couvrir la première audience de cette affaire constitue un retour à la normale, elle ne nous dispense pas de rappeler quelques principes fondamentaux en matière de couverture médiatique des procès, selon le syndicat :
• L’affaire dite « Complot contre la sûreté de l’État » suscite un vif intérêt national et international et a donné lieu à un débat intense sur l’indépendance de la justice, la majorité des accusés étant des opposants au régime en place.
• Le travail journalistique dans les salles d’audience ne requiert aucune autorisation préalable du ministère de la Justice. Seuls la prise de photos et les enregistrements audiovisuels sont soumis à autorisation, conformément à l’article 62 du décret 115 sur la liberté de la presse, de l’édition et de l’impression.
• L’article 37 de la Constitution tunisienne interdit la censure préalable et garantit la liberté d’expression, d’opinion, d’information et de publication. Les interdictions précédentes ont renforcé l’opacité entourant cette affaire, favorisant la propagation de rumeurs et de fuites orientées, portant atteinte à la présomption d’innocence des accusés.
• L’article 38 de la Constitution garantit aux citoyens et citoyennes un droit d’accès à l’information. Étant donné l’importance de ce dossier, il est impératif que la justice le traite avec transparence pour dissiper les accusations récurrentes d’instrumentalisation du système judiciaire.
• L’article 134 du Code de procédure pénale stipule que les audiences sont publiques, sauf si la cour décide de les tenir à huis clos pour préserver l’ordre public ou les bonnes mœurs, ce qui doit être mentionné dans le procès-verbal.
Par conséquent, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) exhorte le ministère de la Justice à pérenniser cette ouverture médiatique et à cesser d’interdire l’accès des journalistes aux tribunaux sans motif légitime. Il est impératif de garantir aux équipes de presse leur droit à couvrir les audiences d’une affaire d’une telle importance pour l’opinion publique nationale et internationale, en respect du droit du public à l’information et du principe de transparence des audiences judiciaires inscrit dans la législation tunisienne.
Par ailleurs, Le SNJT précise qu’il saurait toutefois rester silencieux face aux pratiques contraires à l’éthique journalistique observées dans certains médias publics et privés. Il dénonce notamment le traitement de l’affaire par l’émission « Rendez-vous 9 » sur la chaîne Attessia, diffusée le vendredi 28 février dernier, qui a enfreint plusieurs principes fondamentaux du journalisme :
1. Atteinte à la présomption d’innocence, un principe fondamental de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui stipule dans son article 11 : « Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. » Le respect de ce principe est essentiel pour protéger les individus contre les accusations arbitraires et garantir leur droit à un procès équitable.
2. Absence de diversité des opinions et des sources. L’émission n’a donné la parole qu’à une seule partie, excluant toute représentation des personnes mises en cause. Cela constitue une violation du principe d’équilibre et du droit du public à accéder à une information plurielle. De plus, le traitement adopté aboutissait systématiquement à une condamnation implicite des accusés, en occultant leur droit à la défense.
3. Absence de distinction entre faits et opinions. Cette confusion empêche le public de juger objectivement les informations présentées. Le journalisme exige une présentation impartiale des faits, en confrontant des points de vue variés issus de sources différentes. Se contenter d’une seule version des faits constitue une atteinte à l’équilibre journalistique.