Pour la plupart des Tunisiens, le réveil a été très dur ce matin. Après une longue journée de violence sans précédent à laquelle ils ont assisté hier, ébahis, impuissants et surtout dans l’incompréhension totale, les tunisiens, pacifiques en majorité, tolérants et non violents sont sous le choc.
L’épais nuage de fumée noire qui montait de l’ambassade des états unis et qui était visible jusqu’au dessus des faubourgs a aussi enveloppé d’amertume et de tristesse le coeur et l’esprit des Tunisiens.
Les images qui parvenaient au fur et à mesure du « champ de bataille » étaient scandaleuses: scènes de pillage, école incendiée et saccagée, forces de l’ordre en déroute, hordes déchaînées. Des Tunisiens ont péri dans cette nouvelle « guerre sainte », on déplore au moins deux morts et des dizaines de blessés, sans compter les dégâts matériels. Mais la blessure est beaucoup plus profonde, la désillusion, totale.
Nous assistons, impuissants, et chaque jour un peu plus, à la confiscation de la « révolution », nous nous éloignons du dessein espéré, pour lequel des Tunisiens ont donné leurs vies: Travail, liberté, dignité. Une poignée d’illuminés qui pense détenir la vérité absolue et la science infuse fait la loi dans le pays, bafoue les droits et les libertés et brave les fondements de la république; l’état se désintègre.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Qui en est responsable ? Et si responsabilité il y a, où sont les sanctions ?
Quand des voix s’élevaient pour dénoncer le laxisme du gouvernement face aux violences salafistes, on les accusait toujours d’alarmisme et d’exagération. Les leaders d’Ennadha en particulier et de la troïka au pouvoir en général, ont toujours trouvé des excuses, cherché des échappatoires, justifié les abominations.
On a beau crier que l’extrémisme était une menace réelle, qu’il y allait de la stabilité du pays, la réponse était toujours la même: « il faut les écouter, ce sont nos enfants, ils ne sont pas venus de la lune, le dialogue est la seule solution… »
Quand on avertissait du péril de la bipolarisation de la société et l’instrumentalisation du discours religieux, la légitimité du scrutin et les thèses de complot étaient brandies.
Maintenant que la dérive a atteint le seuil de l’irréparable, que les bandes organisées salafistes ont prouvé que la violence leur est inhérente, que Rached Ghannouchi en personne a confirmé l’existence de cellules dormantes d’Al Qaida en Tunisie, que le ministre de l’Intérieur a avoué son impuissance à rétablir la sécurité, que le premier ministre se demande « où est le gouvernement » et que son président de la République ne sait toujours pas « où va la Tunisie », que faut-il faire pour rassurer les Tunisiens sur leur avenir ?