Le 20 septembre dernier, Ridha Grira, le dernier ministre de la DĂ©fense de l’ère Ben Ali passe la nuit en prison. Un mandat de dĂ©pĂ´t a Ă©tĂ© Ă©mis contre lui par le juge d’instruction du 15e bureau du tribunal de Première instance de Tunis pour une vingtaine d’affaires, notamment quand il Ă©tait Ă la tĂŞte des Domaines de l’État.
Cette arrestation a de quoi Ă©tonner. C’est que Ridha Grira est innocent ou victime d’une machination,et ça, c’est Ă la justice d’en dĂ©cider, mais il faut avouer qu’en 7 mois, Grira est passĂ© du statut de hĂ©ros national Ă celui de prisonnier. Et ça, ça ne peut pas ĂŞtre anodin.
Petit retour en arrière. Le 8 mars exactement. InvitĂ© sur les ondes de la radio Mosaique FM, Ridha Grira fut interrogĂ© Ă propos de ce qui s’Ă©tait passĂ© les derniers jours prĂ©cĂ©dant la fuite de Ben Ali, et surtout le 14 janvier. Les dĂ©clarations de l’ex-ministre de la DĂ©fense firent de lui un hĂ©ros. Il y dĂ©clara qu’il avait donnĂ© l’ordre Ă ses officiers militaires de ne pas exĂ©cuter les ordres de Seriati et de son indignation quand Seriati, au cours d’une rĂ©union, avait Ă©voquĂ© la distribution d’argent Ă des groupes inconnus pour crĂ©er la pagaille. Cerise sur le gâteau, Grira expliqua comment il avait, en personne, donnĂ© l’ordre d’arrĂŞter Ali Seriati, qu’il accuse implicitement d’avoir voulu rĂ©aliser un coup d’État.
Il faut avouer que cette version, donnĂ©e par Ridha Grira, n’a pas totalement convaincu. Il y avait des zones d’ombres que l’ex-ministre n’a pas souhaitĂ© Ă©claircir, prĂ©fĂ©rant les esquiver.
Et puis vint le procès d’Ali Seriati, le 14 aoĂ»t. L’ancien directeur de la sĂ»retĂ© prĂ©sidentielle accusa, sans Ă©quivoque, Ridha Grira d’avoir voulu berner le peuple en lui mentant sur ce qui s’Ă©tait passĂ© avant le dĂ©part de Ben Ali. Pire, Seriati accusa Grira d’avoir eu, par trois fois, Ben Ali au tĂ©lĂ©phone depuis l’avion qui le menait en Arabie Saoudite. Chose que Grira nia formellement. Pourtant, les enregistrements des appels passĂ©s depuis l’avion prĂ©sidentiel sont accessibles…
Après les accusations de Seriati, venons-en maintenant au dernier discours de BĂ©ji CaĂŻd Essebsi. Un discours, qui est devenu culte, au cours duquel le premier ministre s’est emportĂ© contre les quelques personnes qui semaient la pagaille dans le pays, les traitant de « singes ». CaĂŻd Essebsi s’est mĂŞme montrĂ© plus explicite en dĂ©clarant qu’il y avait surtout un homme et une femme, qui se reconnaitront, contre lesquels des mesures strictes seraient prises. Certains journaux, le lendemain, firent des insinuations sur l’identitĂ© de la femme et un nom, alors, revenait assez souvent Ă la bouche des observateurs les plus avertis: celui de Sihem Grira, l’Ă©pouse de l’ex-ministre.
Aujourd’hui, Ridha Grira est derrière les barreaux pour des accusations qui datent de l’ère Ben Ali. Il est donc lĂ©gitime de se poser les questions suivantes : pourquoi la justice a attendu 9 mois pour « s’intĂ©resser » Ă Ridha Grira ? Pourquoi ce mandat d’arrĂŞt Ă son encontre a Ă©tĂ© lancĂ© qu’Ă 1 mois des Ă©lections ? Ridha Grira prĂ©parait-il quelque chose en secret ? ReprĂ©sentait-il un danger pour la transition dĂ©mocratique que vit notre pays ? Autant de questions qui resteront, pour le moment, sans rĂ©ponses…