Ammar 404, ce nom de code est devenu une célébrité nationale sous l’ancien régime de Ben Ali. Mais peu de gens connaissaient vraiment son fonctionnement opaque. Longtemps associé à l’Agence Tunisienne de l’Internet (ATI), Ammar 404 censurait les sites web jugés contraires aux bonnes mœurs, mais surtout les blogs et médias en ligne critiques envers le pouvoir.
Pour percer ce mystère, nous avons interrogé Kamel Saadaoui, l’ancien PDG de l’ATI. « Il y avait trois entités distinctes, nous explique-t-il. Un opérateur gérant le matériel de censure, une unité contrôlant ce matériel à distance pour bloquer les sites, et un troisième groupe qui donnait les ordres. Laquelle était Ammar 404 ? »
Les employés de l’ATI n’avaient aucun accès à la liste noire des sites censurés. « Notre rôle était purement technique », insiste M. Saadaoui. Selon lui, le contrôle des serveurs de censure était assuré par une « cyberpolice » dépendante du ministère de l’Intérieur. Mais celle-ci n’avait qu’un rôle d’exécutant.
La véritable entité décisionnelle serait une équipe secrète « implémentée » au palais présidentiel de Carthage. C’est elle qui traquait sur le web les contenus « politiquement incorrects » à censurer. Un système opaque et informel où n’importe quel proche du régime pouvait faire bloquer un site à sa guise.
Avec la transition démocratique, ce dispositif devrait disparaître. A l’avenir, un juge statuera sur d’éventuels blocages en ligne, dans un cadre légal strict. L’ATI elle-même pourrait ne plus être impliquée, les FAI assurant eux-mêmes le filtrage.
Si le mystère Ammar 404 reste entier, cette périlleuse expérience devrait inciter les anciens responsables à assumer leurs actes passés, même sous la contrainte, espère M. Saadaoui.