Hier, la place du Bardo Ă©tait noire de monde. Des milliers de femmes et d’hommes sont venus cĂ©lĂ©brer la journĂ©e internationale de la femme et crier leur colère pour l’outrage qui a Ă©tĂ© fait au drapeau national, la veille, Ă la facultĂ© de la Manouba.
Tous les mĂ©dias tunisiens, comme ceux, nombreux, venus de l’Ă©tranger Ă©taient prĂ©sents, des journalistes de la tĂ©lĂ© nationale ont filmĂ© le rassemblement et ont interviewĂ© des participants. Au journal tĂ©lĂ©visĂ© de 20h, pas un seul mot, aucune trace de la manifestation. La tĂ©lĂ© nationale prĂ©fère la passer sous silence !
A la place, le journal tĂ©lĂ©visĂ© nous a gratifiĂ© d’un reportage soporifique de Jamil Dakhlaoui sur la cĂ©lĂ©bration du 8 mars aux Etats-Unis, et nous montre, au passage, une confĂ©rence de presse oĂą la majoritĂ© des femmes Ă©taient voilĂ©es (signe extĂ©rieur d’appartenance politique ?) ! !
Pour quelles raisons la télé a-t-elle fait ce choix ?
En l’absence de tout organisme fiable d’estimation du nombre de participants, la tĂ©lĂ© nationale n’a mĂŞme pas minimisĂ© ce rassemblement qui Ă©tait pourtant assez important, elle l’a purement et simplement mis Ă l’index !
Pourquoi prĂ©fĂ©rer ignorer l’appel des femmes venues de toute la Tunisie pour participer Ă ce rassemblement avec des revendications on ne peut plus lĂ©gitimes, Ă savoir, l’inscription des droits de la femme Ă la constitution et le refus de toute forme de soumission et de discrimination, et mĂ©priser la colère et l’indignation des Tunisiens blessĂ©s et profondĂ©ment choquĂ©s par la profanation de leur drapeau?
Étaient-ce les slogans hostiles au gouvernement et au parti Ennahdha, faisant dĂ©sormais partie du folklore protestataire des Tunisiens, qui ont empĂŞchĂ© la diffusion des reportages ? Si c’est le cas, c’est un signe annonciateur du retour de l’auto censure !
Le sit-in des pro-gouvernement devant le siège de la télé nationale a-t-il commencé à porter ses fruits ?
Ce sit-in, contrairement Ă ce que l’on veut nous faire croire, n’est pas du tout spontanĂ© : des tĂ©moignages de riverains affirment que les sit-inneurs bĂ©nĂ©ficient d’une aide logistique (tente chauffĂ©e, repas, Ă©quipes de relais, etc.). Et il n’a, jusqu’Ă prĂ©sent, pas Ă©tĂ© inquiĂ©tĂ© ni dĂ©logĂ© de force comme c’est le cas pour tout autre sit-in !
Était-il judicieux de donner la parole, sur la deuxième chaĂ®ne, Ă Tahar Hmila, dĂ©putĂ© de l’AssemblĂ©e constituante très controversĂ© pour ses prises de position, le moins qu’on puisse dire, Ă©tranges, de lui permettre de porter un avis subjectif sur les Ă©vènements de la Manouba, en l’absence totale d’un avis contraire, et de porter un jugement proche de la diffamation sur les femmes qui participaient Ă la manifestation ? Ă€ noter que la veille, le journal tĂ©lĂ©visĂ© avait portĂ© la voix d’une dizaine de manifestants devant le ministère de la Justice (toujours avec des signes extĂ©rieurs d’appartenance politique) qui rĂ©clamaient l’amnistie pour certains dĂ©tenus politiques et le rapatriement des prisonniers tunisiens Ă l’Ă©tranger?
Ces « dĂ©rapages » seront-ils encore une fois mis sur le compte du manque de professionnalisme ou est-ce le dĂ©but d’une mainmise du gouvernement sur la tĂ©lĂ© nationale ? Et la grève invoquĂ©e comme prĂ©texte pour la non-couverture de l’évĂ©nement de la journĂ©e ne peut ĂŞtre un argument convaincant dans la mesure oĂą cette grève a Ă©tĂ© annulĂ©e 48 heures avant l’évĂ©nement et que les Ă©quipes Ă©taient sur place. Le rassemblement a-t-il Ă©tĂ© couvert pour ensuite le retirer des infos sous pression gouvernementale ?
