Moncef Ben Salem, ministre de l’Enseignement est devenu professeur universitaire… depuis le 1er septembre 1987 !
Une nomination temporellement passée depuis 25 ans mais rétroactivement remise à jour d’autant plus que le Journal officiel de la république Tunisienne a publié la nomination de Moncef Ben Salem au grade de professeur de l’Enseignement supérieur et plus précisément professeur de mathématiques à l’Ecole nationale d’ingénieurs de Sfax à partir du 1er Septembre 1987.
Et il n’aura pas fallu attendre pour que les boucliers se lèvent et que les attaques fusent de toutes parts sur les réseaux sociaux mais également au sein de la confrérie à laquelle appartient désormais le ministre.
Dans un billet au vitriol publié dans la section blog de Mediapart, Salah Horchani, professeur à la Faculté des Sciences de Tunis ne cache pas sa désapprobation.
«Moncef Ben Salem, Ministre Tunisien de l’Enseignement Supérieur, s’auto-promeut Professeur des Universités !», titre-t-il. «Moncef Ben Salem, ministre tunisien de l’Enseignement Supérieur, s’est auto-promu, sur proposition de lui même, Professeur des Universités ! Et ce, à compter du 1er septembre 1987, en vertu du Décret n°3087 de l’année 2012 en date du 3 décembre 2012, publié au Journal officiel de la République Tunisienne du 11 décembre 2012.
Il s’agit là, à ma connaissance, d’une auto-promotion inédite dans les annales des systèmes universitaires, tous pays et tous régimes politiques confondus, y compris ceux d’Idi Amin Dada, de Bourguiba ou de Zinochet ! (…) Monsieur le ministre, votre auto-promotion au grade de Professeur des Universités pose problèmes et questionnements !»
Sur les réseaux sociaux, l’annonce de cette auto-promotion a provoqué des critiques acerbes à la limite, ironiques, exigeant surtout à M. le ministre de «faire preuve de transparence» et de se conformer aux démarches en vigueur c’est-à-dire de soumettre sa candidature au Jury légal.
C’est d’ailleurs ce que souligne M. Salah Horchani en rappelant les démarches auxquelles doit désormais obéir M. Moncef Ben Salem.
«Monsieur le Ministre, votre auto-promotion au grade de Professeur des Universités pose problèmes et questionnements ! (…) Je pense, aussi, qu’il est « blâmable » que la Nation fasse les frais, dans la Réalisation des Objectifs de sa Révolution, d’une injustice, d’un passe-droit, d’une partialité ou d’un acte anti-déontologique quelconque au bénéfice de certaines des dites victimes, en guise de leur dédommagement. (…)
Monsieur le Ministre, le Régime Zinochet, en vous radiant en 1987, par un Arrêté émanant du Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique de l’époque, de votre Corps d’origine, à savoir des Maîtres de Conférences, vous a fait subir la plus grande injustice, matérielle et morale, qu’on peut infliger à un fonctionnaire de l’Etat. Ce qui vous a privé de tous vos Droits.
Vous avez alors porté cette affaire devant le Tribunal Administratif qui, par un Jugement N°12723 daté du 28 novembre 2002 a annulé ledit Arrêté et vous a rétabli dans vos Droits. Le Régime Zinochet a toujours refusé l’exécution de ce Jugement. A l’aube de la Révolution vous avez amorcé les démarches pour retrouver vos Droits et, en particulier, la possibilité de vous porter Candidat au Grade de Professeurs des Universités.
Comme vous ne pouvez pas l’ignorer, Monsieur le ministre, cette promotion se fait, par Concours National, en trois étapes :
Les Candidats soumettent leur dossier, pour examen, à un Jury, purement scientifique, dont la nomination, pour deux sessions annuelles consécutives, est arrêtée par le Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique et dont la dénomination officielle est : «Commission Consultative pour la Promotion au Grade de Professeur de l’Enseignement Supérieur» ; ce qui montre que la décision de ce Jury est, uniquement, consultative. Ledit Jury délibère, émet un avis (favorable ou non favorable) sur chaque Candidat et établit une Liste des Candidats, ayant obtenu l’avis favorable, en les classant.
Cette Liste est transmise au dit ministre qui arrête, définitivement, la Liste des Candidats retenus pour la Promotion au Grade de Professeur de l’Enseignement Supérieur : Le Ministre peut ne pas retenir un Candidat ayant obtenu un avis favorable de la part du Jury, même si ce Candidat est classé premier, car, rappelons-le, l’avis du Jury est uniquement consultatif. Le ministre peut, également, ne pas tenir compte du classement établi par le Jury, lors des affectations des Candidats. C’est cette Liste, arrêtée par le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, qui sert de base pour la troisième étape.
Les Professeur de l’Enseignement Supérieur sont nommés par Décret, sur Proposition du ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (Article 11 du Décret N°1993-1825 daté du 6 septembre 1993). Ce Décret émanait, hier, du Président de la République et émane, aujourd’hui, du Premier Ministre. La logique, le bon sens, l’équité, l’égalité, et je ne sais quoi encore !, exige que vous présentiez, comme tout le monde, votre candidature devant le Jury légal de l’heure, à savoir le Jury présidé par le Professeur Belhassen Dehman, Jury nommé pour les Sessions 2010 et 2011, Jury que j’appellerai dans la suite Jury Dehman. Mais, vous avez opté pour une manœuvre en trois tentatives, exposés ci-dessous, manœuvre qui n’honore pas, Monsieur le ministre, l’Université Tunisienne dont vous avez la charge devant nos étudiants, nos citoyens, la Nation et l’Histoire».
Suite à toute cette polémique, Moncef Ben Salem a tenu à réagir sur les ondes de la radio Mosaique FM et en tentant de se défendre.
Le ministre a confirmé que la décision était bien légale dans la mesure où elle a été décrétée par le tribunal administratif.
Moncef ben Salem se justifie par les procédures judiciaires lancées par deux fois en 1987 puis après le 14 Janvier 2011.
Selon lui, la procédure a été lancée avant même sa nomination en tant que ministre et une fois en poste, il aurait tout fait pour la ralentir de peur de tomber dans ce genre de polémique sur conseils du chef du gouvernement.
Le ministre tient toutefois à préciser qu’il n’a demandé que la régularisation de sa situation… en attendant la régularisation de 25 ans d’arriérés de salaires.