Dans la perspective des prochaines élections et à la question « Les nouvelles alliances du centre et de la gauche pourront-elles rivaliser avec Ennahdha ? », Hamma Hammami (Pcot) a répondu aux questions de Tunis-Hebdo :
D’abord, où se situe Hamma Hammami par rapport à ce qui se passe actuellement sur la scène politique?
Je dois dire que l’effervescence actuelle est une résultante directe du cafouillage et du brouillon que ne cesse d’emprunter la réalité politique en Tunisie et le rendement médiocre du gouvernement élu, ce qui nous a menés dans une sorte de cul-de-sac et d’impasse générale.
Le rythme des réformes exigées par la révolution est presque nul, on ne parle plus des réformes de l’appareil sécuritaire, de l’administration…
Est-ce à dire que la révolution en est encore au point de statu quo?
Absolument ! Parce que la révolution, dans ses exigences premières et ses revendications légitimes, se voulait garante de profondes réformes touchant à tous les secteurs. D’ailleurs, le gouvernement actuel a fait de ses points primordiaux son cheval de bataille pour briguer son mandat actuel limité. Or, près de cent-vingt jours plus tard, il n’en est rien !
D’ailleurs, ces réformes semblent passer du statut de nécessité absolue, d’obligation incontournable au rang de luxe post-électoral et d’option facultative, voire encombrante et l’urgence actuelle du moment semble la monopolisation des organes et du système national par Ennahdha. Il est du plus déplorable également de relever le bafouement d’abord régulier et ensuite quotidien des libertés et des droits que ce soit par l’État, ou par des groupuscules dits «Salafistes». Sans oublier le retour en force du concept tant réprimandable du «Parti-Etat» par Ennahdha. Sur le plan économique et social, la situation se congestionne de plus en plus. Ce peuple s’est embrasé en ayant comme leitmotiv l’amélioration de sa condition socioéconomique. Mais l’état des lieux actuel n’a pas changé d’un iota puisque le népotisme et le néo-capitalisme continuent de ronger le paysage tunisien et Ennahdha non seulement semble être un spectateur passif et donc actif par le silence, mais elle est incapable de trouver les solutions idoines. Les gestes libérateurs et même les propos apaisants destinés à dépassionner les débats lui font cruellement défaut, ce qui laisse place à la gabegie actuelle au niveau des salaires, de la hausse vertigineuse des prix, du chômage de la recrudescence et j’en passe. Un autre point aussi m’interpelle et non le dernier, qui est celui de la politique étrangère. Elle est des plus confuses et des plus embrouillées. Et je voudrais préciser que c’est la Troïka que je vise et non une personne en particulier.
En dépit d’un non-alignement idéologique entre votre Parti, le P.C.O.T et les partis centristes et du centre-gauche, pensez-vous qu’un rapprochement commun, voire un front d’union est envisageable?
Tout rapprochement et toute alliance préconisée doivent impérativement être guidés par les objectifs de la révolution. Ils doivent garder indéfectiblement en ligne de mire les principes fondamentaux qui ont poussé le peuple à se rebeller le 14 janvier 2011.
C’est sur cette base-là et seulement, que le P.C.O.T pourrait se joindre à une possible alliance.
Donc, selon vous, la chose serait théoriquement et techniquement possible?
Tout à fait.D’ailleurs, le PCOT s’est rallié jusqu’à présent à quatre autres partis indépendants proches des nationalistes arabes. Cependant, le front populaire du 14 janvier reste réceptif à toute autre collaboration prenant en compte les idéaux de la Révolution. Cet alignement pourra prendre une forme globale ou partielle portant sur un ou plusieurs points communs. Cela pourra donc effectivement se concrétiser à plusieurs niveaux, tels que l’Assemblée constituante par exemple avec laquelle nous pourrions être d’accord sur certains points et opposés sur d’autres. Idem pour les autres forces en présence sur la scène politique.
Le caractère urgent de la chose impose de trouver les mécanismes adéquats pour débloquer une situation déjà chaotique. Autrement, le retour d’un régime théocratique ne sera plus aussi incongru.
Êtes-vous confiant en une réunion centriste ou du centre-gauche, qui rivaliserait et inquiéterait le parti au pouvoir actuellement?
Ce ne sont ni les appellations ni les affiches qui font d’un parti ce qu’il est réellement, mais plutôt ses idéologies, ses programmes, sa ligne de conduite ainsi que les principes pour lesquels il se bat et à travers lesquels il puise son essence même et sa raison d’être. C’est ainsi que dans la cacophonie générale actuelle, un parti peut se réclamer centriste alors que sa ligne vectorielle penche clairement vers la droite ou vers la gauche. Donc là, on fait face à un problème d’identité d’abord, et de crédibilité louche ensuite.
Selon moi, le seul salut possible se condense en une coalition frontale qui adoptera les bases fondamentales et les revendications originelles de notre révolution. Ce n’est que par ce biais qu’une réelle opposition et une possible rivalité avec Ennahdha seront d’actualité.
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