À neuf heures sonnantes, la Place Mohammed Ali était déjà noire de monde ! Des syndicalistes en grand nombre, des membres des partis de gauche connus, comme les Watad et le PCOT, des membres d’associations, mais aussi beaucoup d’adhérents et de sympathisants d’Ennahdha.
Comment les reconnaître ? Et bien à leurs slogans qui sonnaient faux au milieu de tous les autres !
En effet, les pro-Ennahdha, officiellement appelés par leur chef à manifester aux côtés de L’UGTT, ont tenu à imprégner la célébration du 1er Mai de leur propre cachet. Ils ont rabâché le thème de la légitimité, allant jusqu’à déformer le slogan historique des syndicalistes en changeant le mot « Chighila » (travailleurs) par « Charyiaa » (légitimité), chose qui a fort déplu aux syndicalistes sur la place.
Le discours d’Abbassi a calmé leur ardeur, et lorsque le cortège de l’UGTT s’est ébranlé de la place, les « syndicalistes malgré eux » n’ont pu que suivre le mouvement en silence.
Arrivés sur l’avenue Habib Bourguiba, les porte-voix nahdhaouis se sont dispersés en quittant le cortège principal de l’UGTT. Certains ont rejoint la « chorale » qui a occupé dès les premières heures les marches du théâtre municipal, et qui n’a cessé de chanter la rengaine de la légitimité.
Quelques députés nahdhaouis, et « congressistes » (CPR) étaient également présents sur l’avenue. Pour certains, c’était la première fois, et ils se sont juste contentés de faire de la figuration, de sourire aux gens qui les prenaient en photos… On sentait bien qu’ils ne faisaient que répondre à l’appel de leurs chefs de partis, et qu’ils n’étaient pas du tout concernés par les revendications sociales, économiques et politiques de la marche. À noter que certaines de ces revendications, pour ne pas dire la plupart, étaient hostiles à la politique de la Troïka et au gouvernement !
Devant le siège du ministère de l’Intérieur, une autre troupe, plus folklorique, bandir et darbouka à l’appui, était parquée. Elle avait pour mission de louer les actions du gouvernement et chanter la gloire d’Ali Laarayedh, lequel a fait une petite apparition pour la saluer et répondre aux questions des journalistes.
La fête du 1er Mai s’est donc déroulée sans incident majeur, quelques prises de bec par ci et par là, une échauffourée entre un groupuscule de « barbus » et des manifestants a pu être évitée, il a juste fallu à chaque camp de crier plus fort que l’autre pour se faire entendre.
Mais le plus important est venu des médias, qui ont voulu faire passer un message subliminal de cette grande fête, en affirmant qu’elle a rassemblé les Tunisiens, chose qui n’est pas très proche de la réalité puisque même les partis de « l’opposition », en général et de la gauche traditionnelle en particulier n’ont pas chanté de la même voix !!
La discorde était claire et le rassemblement dont parlent les médias n’est qu’une illusion !