ASSEMBLÉE CONSTITUANTE | Un projet de loi contre les violences faites aux femmes tunisiennes a été annoncé ce mercredi 13 août à l’ANC. Le délai de son achèvement a été fixé pour le 25 novembre prochain d’après Mustapha Ben Jaafar .
En présence du président le l’ANC, Mustapha Ben Jaafar, du ministre de la justice Hafedh Ben Salah et de la secrétaire d’Etat à la femme et à la famille Neila Chaabane, les députés de l’assemblée se sont exprimé au sujet du projet de loi présentée à l’assemblée.
Quelle différence par rapport aux anciennes lois ?
Pour expliquer la différence de ce nouveau projet de loi dite » intégrale « par rapport à l’arsenal juridique déjà existant, la députée Nadia Chaabane explique qu’il s’agit « d’un projet qui vise à réunir et harmoniser les législations existantes et surtout prévoir tout le volet prévention, éducation à l’égalité, et lutte contre les discriminations etc… C’est une vision globale pour le traitement des violences. »
Elle précise aussi que « ce n’est pas une énième loi mais une refonte de la vision ». Pour illustrer cela, elle a donné les exemples de l’Espagne qui a élaboré une loi-cadre ou loi intégrale en 2002, ainsi que de la France en 2010 , où elle a participé au projet, notamment sur les volets femmes migrantes et droit d’asile.
« Ce sont des avancées car ils permettent un traitement plus ajusté et une spécialisation au niveau des intervenants, une mutualisation des services, du gain en efficacité surtout. Imaginez un divorce pour violence, deux tribunaux ont en charge le dossier, le juge aux affaires familial pour le divorce et la garde d’enfants etc… et un autre pour le côté pénal avec des jugements qui peuvent être décalés dans le temps. Et entre-temps la femme peut se retrouver exposée à des violences etc… », argumente la députée.
Ce projet se basera donc sur un un travail collectif pour remédier aux insuffisances procédurales, pointer les dysfonctionnements et améliorer les réponses.
Dysfonctionnements
Une équipe technique va superviser ce travail d’élaboration et de concertation avec des professionnels, notamment des juges, des avocats, des médecins, des sociologues, en collaboration avec des associations spécialisées.
Parmi les spécialistes qui feront partie de cette équipe technique, Chaabane annonce déjà les noms de la juriste Sana Ben Achour, le professeur de droit Wahid Ferchichi et la sociologue Dorra Mahfoudh.
Lors de son intervention, Mme Chaabane a relevé un certain nombre de dysfonctionnements
D’après elle, les femmes sont souvent confrontées à des discriminations de la part des juges en Tunisie, aux procédures de divorces, aux problèmes de garde d’enfants ou à leurs enlèvements, aux jugements prononcés à l’étranger et leur application en Tunisie, à la question de l’autorité parentale, etc.
La députée évoque également le cas » des femmes étrangères qui peuvent être victimes de violences (ou même de traite) en Tunisie et elles ont peur de porter plainte pour ne pas perdre leur droit de résidence….ou bien lors d’un divorce se retrouvent privées de la garde des enfants, etc »
« J’ai aussi parlé de l’avortement et des pratiques observées ces dernières années avec des médecins dans le secteur public qui refusent de le pratiquer et des femmes des classes populaires qui se retrouvent sanctionnées car ne pouvant s’offrir une clinique. C’est un vrai problème d’accès aux droits. Le pire, c’est que les médecins ne sont pas sanctionnés ni même rappelés à l’ordre dans ce cas, alors qu’ils n’ont pas le droit de refuser, c’est un acte médical qui fait partie de leur travail…. »explique Mme Chaabane.
Durant son intervention à l’Assemblée, la secrétaire d’Etat à la femme et à la famille Neila Chaabane a révélé que les violences, qu’elles soient physiques et/ou psychologiques, touchent 47% des femmes âgées de 18 à 64 ans.
D’après le rapport de l’Union européenne publié ce mercredi 13 août, le bilan du quotidien des femmes tunisiennes est inquiétant.
En Tunisie, la violence conjugale est considérée comme un crime puni par le Code pénal depuis 1993. « Cependant, indique le document de l’UE, la violence familiale est généralement perçue comme une affaire privée et la police refuse parfois d’intervenir, souvent parce qu’elle manque de formation ou de ressources pour mener des investigations ou pour protéger effectivement les femmes. »
Le rapport pointe également « la réticence des femmes à dénoncer ou même à admettre l’acte de violence »; 55% des femmes déclarant que la violence est « un fait ordinaire qui ne mérite pas qu’on en parle ».
Ainsi, alors que près de la moitié des femmes tunisiennes déclarent avoir été victimes de violences au moins une fois dans leur vie, seuls 17% des cas sont dénoncés par les femmes.