On peut imaginer que des personnes qui ne sont pas réellement dans le besoin fassent la manche. On peut admettre que la mendicité rapporte mieux qu’un Smig et certains parlent de dizaines de dinars par jour. Mais personne ne pouvait penser que des affiliés de la CNSS puissent s’y adonner. La révélation est sortie de la bouche de Khalil ZAOUIA, ministre des affaires sociales, qui a déclaré hier dans une émission sur Attounissia TV que «15 % des mendiants sont affiliés à la CNSS »
Combien sont-ils en tout et pour tout ? Quelle est exactement leur situation vis-à-vis de la CNSS ? Comment est –on arrivé à le savoir ? Le ministre ne l’a pas précisé parce que tout bonnement la question ne lui a pas été posée. Mais à priori, il est quasiment impossible de recenser les mendiants sur l’ensemble du territoire et de vérifier avec exactitude leur situation vis-à-vis des autorités et des organismes sociaux. Dans aucun pays au monde, une enquête sur la mendicité n’a pu aboutir à des résultats aussi précis.
Nonobstant son bien-fondé, la révélation du ministre des affaires sociales laisse supposer pour le moins cette explication : elle réside dans les comportements maladifs de certaines personnes qui, quoique disposant des moyens de mener une vie décente, s’abaissent à des niveaux dégradants au détriment de leur dignité et de leur amour propre.
On vit malheureusement dans un monde où l’attachement à la matière est si obsessionnel qu’on ne recule devant rien pour l’amasser et la cumuler. Pour les uns, l’opportunisme et le « lèche –bottes » sont des comportements ordinaires et payants. Pour les autres, la prostitution, la corruption et les malversations permettent de vivre au dessus de ses moyens.
Et pour une minorité, la mendicité est une activité comme toute autre. Pour cette dernière catégorie, la tendance n’est pas seulement dans la manche. Chaque fois qu’il s’agit d’une aide sociale aux démunis, ils sont les premiers à la réclamer en fabriquant des documents et en inventant des histoires. Chaque fois qu’il s’agit de dédommager des victimes, ils se prévalent d’une fausse qualité. La mascarade des certificats médicaux délivrés à des soi-disant blessés de la révolution en est une illustration écœurante.
Mais pour être juste avec tout le monde, la débrouillardise n’est pas la seule explication à la situation rapportée par le ministre. Et tout d’abord, il sied de rappeler que l’affiliation à la CNSS ne signifie pas forcément allocation de prestations et de pensions sociales. Des milliers de personnes n’ont de l’affiliation que les références de l’immatriculation. Leurs anciens employeurs les inscrivent à la CNSS sans payer les cotisations puis les licencient sans leur donner leurs droits. Théoriquement, ils sont des affiliés sociaux mais pratiquement, ils sont des délaissés sociaux.
Pour ceux qui sont affiliés à la CNSS et bénéficient de ces prestations, la dégradation du niveau de vie et l’insuffisance des salaires et des pensions servis pour subvenir aux besoins de la vie courante, incitent à la mendicité et à pire que la mendicité. Des retraités qui n’ont de revenu que la maigre pension allouée par la sécurité sociale, des salariés dont les émoluments permettent à peine de vivoter, des petits commerçants tombés du jour en lendemain en faillite, des ouvriers de chantiers, des serveurs et des vendeurs ayant perdu leur emploi, se trouvent bien obligés de tendre la main à autrui pour végéter .