Les 15 et 16 juin se sont déroulées les journées de Tunis, organisées par l’Obs au Palais des Congrès. L’occasion de réunir plusieurs personnalités sur des sujets qui touchent la Tunisie de près. Pour la première table ronde de la deuxième journée, était proposé un sujet qui pouvait être intéressant mais qui n’a pas réussi à décoller, peut-être à cause du choix des interlocuteurs présents.
« Tunisie : Il n’y a pas de démocratie sans intégrité de l’État », voilà le sujet de la première table ronde de ce mardi 16 juin, deuxième journée des « Journées de Tunis », organisées par l’Obs.
Un titre accrocheur avec une table ronde qui s’annonce animée, sur la transparence de l’État vis à vis des citoyens, sur les politiques, la corruption, etc.
Dans l’ambiance tamisée du palais des Congrès de Tunis, sur les fauteuils moelleux disposés sur la scène, et avec la modératrice du débat Sara Daniel, reporter à l’Obs, ont pris place les cinq invités pour parler du thème.
Plantu, dessinateur au Monde, connu pour ses caricatures, était dans cette table ronde comme un cheveu sur la soupe. A côté de lui, Habib Kazdaghli, doyen de la faculté de la Manouba, Farah Hached, présidente du Labo démocratique, William Bourdon, avocat spécialiste des droits de l’Homme et Kamel Jendoubi, ministre auprès du chef du gouvernement chargé des Relations avec les institutions constitutionnelles et la société civile dans le gouvernement de Habib Essid.
Le premier à s’exprimer a été Habib Kazdaghli, doyen de la faculté de la Manouba qui est revenu sur ce qui s’était passé il y a quelques années dans son université : « L’université était un laboratoire pour exprimer le désir de la révolution ».
Plantu a tenu à remercier l’Obs, puis il a enchaîné sur des constations propre à son métier :
[quote_box_center]La Tunisie est composée de pleins de gens, c’est une alchimie incroyable, et nous dessinateurs de presse on est toujours vigilants pour savoir ce qu’est la démocratie et comment elle peut basculer. [/quote_box_center]
Il a ensuite présenté quelques dessinateurs tunisiens, notamment la créatrice de Willis from Tunis, et a parlé de leurs positions « à l’avant-poste » dans cette société et de leur « impertinence ». On n’a pas vu le rapport avec le sujet…
Farah Hached, seule représentante de la société civile, a pris la parole pour parler de son travail au Labo démocratique tout en recentrant sa parole sur le thème évoqué, ce qui n’a fait de mal à personne :
[quote_box_center]Aujourd’hui le thème c’est l’intégrité de l’État, cela veut dire la vérité entre les citoyens. La justice s’applique à tous de la même façon, ce n’est pas parce que l’on est riche ou l’enfant de quelqu’un que l’on devrait échapper à la justice. Le problème c’est que lorsqu’il n’y a pas cette application de la justice, cela créer des frustrations et cela amène à une radicalisation.[/quote_box_center]
Dans cette démocratie en construction, Farah Hached relève les attentes des citoyens sur les comptes et la transparence. Elle prend l’exemple des élections, « le citoyen ne peut pas voter s’il ne sait pas pour qui il vote ». Elle met également en exergue les intox véhiculées par internet.
La réconciliation
« Pourquoi on n’arrive pas à se réconcilier avec un jeune d’un quartier pauvre qui vole un œuf, et on arrive à se réconcilier avec quelqu’un d’un quartier riche qui vole un bœuf ? » s’est interrogée Farah Hached.
Sans avoir de réponse elle évoque l’importance d’avoir une vue à long terme sur la justice sociale :
[quote_box_center]On ne peut pas avoir un État intègre s’il n’est pas contrôlé, ces contrôles sont mis en place au niveau institutionnels, mais le citoyen doit lui aussi avoir accès aux informations.[/quote_box_center]
William Bourdon, avocat spécialiste des droits de l’Homme, évoque « la justice des droits criminels de sang et la justice des droits criminels d’argents simultanées », notamment au départ de Ben Ali. Une simultanéité nouvelle, qui si elle est bafouée « nourrit l’intégrisme » selon lui.
« Il faut moraliser l’État »
Kamel Jendoubi, ministre auprès du chef du gouvernement chargé des Relations avec les institutions constitutionnelles et la société civile dans le gouvernement de Habib Essid, parle de corruption.
« Il faut réformer l’État, mais l’État est aussi acteur de la démocratie ». Pour lui, le « plus grand crime de Ben Ali a été de déresponsabiliser politiquement les tunisiens ». Jonglant entre des questions la nécessité d’avoir un état fort ou une démocratie forte, et en utilisant beaucoup trop de conditionnel, Kamel Jendoubi patauge dans la semoule.
Farah Hached évoque la corruption politique : « Le jeu politique est dans un cadre, mais il ne faut pas dépasser le cadre et surtout il ne faut pas que ces dépassements deviennent normaux ». Elle évoque la naissance de la démocratie en 2011, avec l’espoir de créer une nouvelle forme démocratie. Mais elle reconnaît que ce n’est pas le cas pour la démocratie tunisienne et que l’intégrité de l’État est un sujet universel dans toute forme de démocratie.
En sortant de la table ronde on n’a pas l’impression d’avoir appris grand chose sur l’intégrité de l’État. De plus, les quelques questions posées par le public ont été éludées. Il n’y avait pas suffisamment de jeunes sur ces fameux fauteuils rouges pour parler de ce sujet, pour évoquer leurs envies de transparences et les problèmes de corruption.
La seule étudiante ayant posé une question, sur l’éducation : « qu’est-ce qu’on va nous apprendre sur la véritable histoire tunisienne ? » n’a pas trouvé de réponse, manque de temps…
Elodie Potente