Avec la plainte déposée hier par 45 avocats contre le syndicat tunisien des magistrats pour avoir décrété une grève de 4 jours, le conflit entre avocat et magistrats vient de connaître un nouvel épisode écœurant au détriment du justiciable et au mépris de l’image de marque de la Justice.
L’objet de cette plainte est d’avoir entravé le fonctionnement des juridictions au moyen d’une action concertée. Cet acte est strictement interdit en vertu de l’article 18 de la loi 67-29 du 14 juillet 1967, toujours en vigueur, en attendant son remplacement dans le cadre de l’application de la nouvelle constitution.
Mais la question qui se pose est de savoir si les dispositions de cet article sont applicables à décision de grève prise par le syndicat des magistrats. En effet, en 1967 le contexte était différent et on ne pouvait pas admettre que la magistrature pouvait disposer d’un syndicat et entrer en grève pour revendiquer des droits ou protester contre une situation donnée.
En toute logique, cette interdiction qui remonte à près de 50 ans visait plutôt la protection de la Justice contre le boycottage et les complots. Quant à la grève déclenchée par le syndicat des magistrats, elle n’est ni interdite ni permise par la loi. Elle n’est pas interdite dans la mesure où aucun texte de loi ne le prévoit explicitement.
Le syndicat des magistrats étant toléré par les autorités, aucune restriction à son action n’a été imposée. Mais elle n’est pas permise en vertu des usages de l’activité de magistrature et du droit comparé en ce sens que dans la plupart des pays du monde, il est interdit aux magistrats d’entrer en grève.
Sur le plan légal, la situation est confuse et il est difficile de se prononcer sur le bien-fondé de la plainte. De surcroît, aucun texte de loi, à part le délit de déni de justice, ne prévoit de sanction à l’encontre des magistrats qui violent l’interdiction d’entraver le fonctionnement des juridictions.
Sur le plan procédural, la question est plus compliquée. Toute poursuite à l’encontre des magistrats, même agissant dans le cadre du syndicat, est subordonnée à la levée de l’immunité. Cette procédure préalable est du ressort de la haute instance indépendante de l’ordre judiciaire qui prend la place du conseil supérieur de magistrature, dissout dans le cadre de la refonte des institutions de l’Etat.
Même si les membres de l’Instance, composée en grande majorité de magistrats, acceptent la levée de l’immunité, l’affaire sera examinée par d’autres magistrats qui sont aussi partie prenantes dans ce conflit entre les deux pivots de l’appareil judiciaire.