Traverser l’avenue Bourguiba et, à l’ombre de la silhouette bleue de l’Africa, faire quelques pas dans le quartier de la Petite Sicile.
À l’origine, ce lotissement gagné sur le lac et les marécages, par la mythique signora Fasciotti, était occupé par des baraques en bois et des abris de fortune. De nombreux Siciliens s’étaient installés dans ces lieux encore inhospitaliers, avec la bénédiction de celle que tous nommaient la Signora et qui n’avait cessé de combler la lagune avec les remblais qu’elle récupéra à travers les chantiers de la médina.
En quelques années, un quartier neuf allait surgir entre le port, le quartier des entrepôts et le cœur du centre-ville. Articulée sur la longue rue du Portugal, l’avenue de Carthage et un réseau d’artères en damier, la Petite Sicile de Tunis était née.
Les immeubles de rapport allaient pousser nombreux, avec un chapelet de guinguettes, quelques « putie », ces épiceries de proximité et d’autres commerces qui allaient constituer la trame de ce nouveau quartier bâti par les mains rugueuses des maçons de Trapani ou Palerme.
Une église n’allait pas tarder à voir le jour sur un terrain cédé par la Signora. Confié à l’entrepreneur Isidorio Désiato, le chantier allait nécessiter deux années de travaux. Le 13 avril 1913, en période pascale, la nouvelle église verra le jour et restera une annexe de la cathédrale jusqu’à l’année 1930 lorsqu’elle deviendra une paroisse à part entière.
« Putia », épicerie sicilienne
Dédiée à Saint Joseph, la nouvelle paroisse sera dirigée par les pères de Notre-Dame de Sion et agrandie par leurs soins. C’est depuis cette époque que le modeste édifice initial a pris ses proportions actuelles. Menés par l’architecte Radicioni, les travaux allaient aboutir en 1941 à l’église telle que nous la connaissons.
En 1950, deux cloches et un orgue allaient rejoindre au sein de cette église la statue de Saint-Joseph qui s’y trouvait depuis 1913. Les anciens de la Petite Sicile se souviennent certainement de la procession organisée chaque année dans le quartier pour célébrer Saint- Joseph ou encore de la kermesse annuelle qui mobilisait tout le quartier.
La mémoire de cette paroisse qui s’est éteinte en 1964 comme nombre d’églises de Tunisie, se souvient aussi du père Leroux et du père Rougé, premiers curés de l’église en 1930, du père Garifo et du père Hingra qui officièrent au début des années 1940, du père Louis Mangani qui a marqué de son empreinte ce lieu de culte pour des décennies et aussi de l’abbé Gaston Aquilina qui fut le bâtisseur de l’école Nazareth qui jouxte l’église et continue à exister de nos jours.
Communion à Saint-Joseph, famille Maggio
Aujourd’hui, un médaillon représentant Saint-Joseph et la silhouette de l’ancien clocher témoignent du passé ecclésiastique de ce qui est aujourd’hui le siège du Centre culturel universitaire après avoir été le restaurant universitaire Houssine Bouzaiane.
Le quartier de la Petite Sicile a pour sa part changé d’identité. Exit les Dainotto, Mineo, Santonocitto et Di Trapani. Exit les garages où l’on venait réparer les automobiles et les troquets où l’on prenait un verre au comptoir. Exit la vie sicilienne et demeure l’ombre d’une église qui aura vécu un demi-siècle et brassé joie et ferveur.
H.B.