La chute de Bachar al-Assad résonne comme l’ultime écho du Printemps arabe, mais l’heure n’est plus à l’euphorie naïve de 2011. De Rabat à Bagdad, le monde arabe accueille cet événement avec un mélange de soulagement et d’appréhension, façonné par treize années de désillusions régionales.
Le bilan des révolutions arabes dessine une carte des écueils à éviter. L’Égypte a vu son rêve démocratique brisé par le retour des militaires. La Tunisie, après avoir été considérée comme le modèle d’une révolution réussie, connaît une réorientation de sa gouvernance sous la présidence de Kais Saied. Plus dramatiques encore, la Libye et le Yémen se sont effondrés dans des guerres civiles interminables, leurs territoires morcelés entre milices rivales.
La Syrie porte déjà les germes de ces destins tragiques : forces islamistes, kurdes et pro-turques se disputent l’héritage d’Assad, tandis que les puissances régionales – Iran, Turquie, pays du Golfe – attisent les braises du conflit. L’ombre de l’ancien appareil sécuritaire plane toujours, rappelant comment les réseaux de pouvoir ont su se réinventer ailleurs.
Pourtant, la longueur même du conflit syrien pourrait paradoxalement être son atout. La société civile, forgée par treize ans de guerre, aborde cette transition sans illusions. Cette lucidité, née des leçons du passé, devient peut-être le meilleur rempart contre les dérives observées chez ses voisins. La Syrie, dernière héritière du Printemps arabe, saura-t-elle transformer ses cicatrices en sagesse ?