Membre d’une mission d’enquête pour des journalistes africains, soutenue par le gouvernement ukrainien, nous avons eu l’honneur de participer à une table ronde avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Ce dialogue a été principalement axé sur la guerre en cours, mais également sur les relations entre l’Ukraine et l’Afrique et le commerce des céréales. Notre délégation s’est rendue à Kiev le 14 novembre 2023 pour cette rencontre, offrant à chaque journaliste participant à la mission en Ukraine l’occasion de poser des questions au président.
Dès le début, Volodymyr Zelensky a affirmé que l’Ukraine se bat pour la liberté et s’oppose aux ambitions colonisatrices de la Russie. Il a souligné la différence fondamentale avec la Russie, mettant en avant le refus de l’Ukraine d’utiliser la désinformation pour établir des relations internationales. Il a précisé que l’Ukraine ne cherche pas à contraindre les pays à devenir ses amis, contrairement à la Russie, qui utilise la force et la désinformation à cette fin.
L’Ukraine et l’Afrique
Zelensky a clairement exprimé la volonté de l’Ukraine de créer des partenariats avec toutes les nations, y compris les pays africains et l’Union africaine. Il a insisté sur l’importance de ces relations, basées sur le respect mutuel, la souveraineté, les traditions et la langue. Il a souligné que l’Ukraine n’a pas l’intention d’influencer les pays africains qui ne lui sont pas particulièrement amicaux, soulignant que ceux qui ne sont pas amicaux ne connaissent tout simplement pas l’Ukraine.
Le président ukrainien a indiqué que l’Ukraine était prête à investir dans les richesses minérales des pays africains, expliquant que la guerre a imposé des défis financiers, nécessitant actuellement des dépenses importantes dans la production militaire. Zelensky a plaidé en faveur de l’établissement de relations stratégiques entre l’Ukraine et l’Afrique, soulignant que l’histoire des pays africains contribue à une meilleure compréhension de la lutte de l’Ukraine pour sa liberté.
« La Russie a attaqué l’Ukraine et nous ne sommes pas altruistes quand nous affirmons que nous voulons aider l’Afrique en lui fournissant du blé. Nous demandons à nos partenaires européens de nous soutenir pour que ce corridor de blé fonctionne. Je ne vais pas essayer de changer votre opinion sur l’Ukraine et sur l’image que vous en avez, mais je vais tout faire pour que votre opinion change de vous-même, c’est-à-dire avoir plus d’informations sur l’Ukraine contrairement à la désinformation véhiculée par la Russie…
… Nous luttons pour une compréhension plus profonde de la situation en Ukraine et pour cela il faut communiquer. Je suis même prêt à venir en Afrique pour avoir le maximum de contacts avec le maximum de leaders », précise Zelensky.
Sur le plan politique, Zelensky a souligné les actions positives de l’Ukraine, telles que l’ouverture d’ambassades même en temps de guerre, considérant ces actes comme des investissements politiques importants. Il a exprimé sa volonté de changer les perceptions sur l’Ukraine, confrontant les défis liés à la désinformation propagée par la Russie. Le président a souligné la nécessité d’une communication accrue pour une compréhension plus approfondie de la situation en Ukraine, se disant même prêt à se rendre en Afrique pour établir des contacts avec les dirigeants locaux.
L’Ukraine et le soutien de l’Occident
Face à la possibilité d’une réduction de l’aide financière à l’Ukraine, Zelensky a souligné l’importance de toute forme d’assistance. Il a identifié deux types principaux de soutien : le support en armement moderne, crucial pour l’Ukraine, et le soutien financier servant de compensation sociale. Zelensky a admis que toute diminution du soutien financier placerait l’Ukraine dans une situation difficile, devant choisir entre financer l’effort de guerre et fournir des services sociaux essentiels. Il a anticipé une possible crise, mais a souligné que cela n’empêcherait pas l’Ukraine de poursuivre sa lutte, rappelant comment le pays avait résisté au début de l’invasion russe en utilisant ses propres ressources.
« Toutefois, dire que l’Ukraine ne dépend que de l’assistance étrangère, ce n’est pas vrai. Mais sans ce soutien étranger, la Russie sera dans une meilleure position que l’Ukraine », souligne le président ukrainien.
Le dialogue a été principalement axé sur la guerre en cours, mais également sur les relations entre l’Ukraine et l’Afrique et le commerce des céréales (Photo : Bureau du Président de l’Ukraine)
Des hubs céréaliers en Afrique ?
Les préoccupations des pays africains quant à l’interruption des exportations de céréales et d’autres produits alimentaires en provenance d’Ukraine ont été abordées. Zelensky a expliqué l’impact du retrait de la Russie de l’Initiative céréalière de la mer Noire, soulignant l’augmentation significative des prix des céréales.
Cependant, il a rassuré en affirmant que le corridor céréalier parallèle de l’Ukraine résoudrait le problème. Il a expliqué que l’Ukraine envisageait même de créer des centres céréaliers dans d’autres pays, dont l’Afrique du Sud, pour diversifier les sources de céréales et réduire la dépendance aux circonstances liées à la guerre.
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Zelensky a noté que plus de 32 millions de tonnes de céréales et d’autres produits alimentaires avaient été exportées entre août 2022 et juillet 2023. Lorsque la Russie s’est retirée, cela a fait grimper le prix des céréales de 200 à 300%. Mais il a assuré aux Africains que le corridor céréalier parallèle de l’Ukraine résoudrait le problème.
La Russie a tenté d’entraver les exportations ukrainiennes en attaquant ses installations d’exportation de céréales, notamment en lançant des missiles sur son port principal, Odessa. Zelensky a déclaré que l’Ukraine parvenait à acheminer ses céréales en partie parce que les attaques ukrainiennes contre les navires et avions russes les avaient forcés à se retirer des côtes ukrainiennes.
Le conflit au Proche-Orient
Enfin, Zelensky a répondu aux questions sur la perception de l’Ukraine dans le contexte des événements au Proche-Orient. Il a souligné que la Russie, via son allié l’Iran, cherchait à détourner l’attention mondiale de l’Ukraine, similaire à ses actions en Syrie en 2014. Il a estimé que la situation au Proche-Orient aurait pu être évitée.
Quant à la suite de la guerre, Zelensky a été catégorique : l’Ukraine doit mettre un terme au conflit, sinon il se reproduira. Il a souligné la nécessité d’une percée technologique radicale, insistant sur l’importance d’une injection massive d’armes occidentales sophistiquées, notamment des avions américains F16 et des chars américains Abrams.
[Walid Ben Youssef est en Ukraine pour une mission d’enquête pour les journalistes africains, parrainée par le gouvernement ukrainien].
