Lors de sa dernière rencontre avec le ministre de l’Agriculture, Kaïs Saïed a glissé une phrase qui n’est pas passée inaperçue. Sans citer explicitement le Maroc, le président tunisien a dénoncé « l’exclusion injustifiée d’un pays frère » dans une récente réunion régionale. Un clin d’œil diplomatique clair à Rabat, dans un contexte où les relations entre les deux pays restent gelées depuis plus de deux ans.
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Ce geste, discret mais calculé, intervient alors que la diplomatie tunisienne tente de se repositionner dans une région marquée par des recompositions rapides et des tensions persistantes. Faut-il y voir une volonté de réchauffement ? Ou simplement un message codé adressé à plusieurs acteurs à la fois, notamment à Alger, allié stratégique de Tunis et rival du Maroc ? Ce message va-t-il etre intercepté par Rabat ?
Depuis 2022, la brouille entre Tunis et Rabat s’était envenimée après la participation du chef du Front Polisario, Brahim Ghali, à la conférence TICAD 8 à Tunis. Rabat avait aussitôt rappelé son ambassadeur, jugeant cet accueil comme une « atteinte à la neutralité de la Tunisie dans le dossier du Sahara occidental ». De son côté, Carthage avait défendu une « position équilibrée », rappelant que Ghali avait été invité par l’Union africaine, non par la Tunisie.
Depuis, les échanges officiels se sont raréfiés. Le commerce bilatéral, déjà modeste, n’a pas connu de progrès, et les canaux diplomatiques sont restés au point mort. Pourtant, les deux pays partagent bien des défis communs — économiques, migratoires et sécuritaires — qui plaident en faveur d’une relance du dialogue.
Le geste de Saïed pourrait donc être perçu comme une ouverture, voire une tentative de décrispation. Mais tout dépendra de la réaction de Rabat. Si le Maroc y voit une main tendue sincère, la normalisation pourrait reprendre timidement. Dans le cas contraire, ce message restera une simple déclaration de principe, un signe de plus que les équilibres maghrébins demeurent fragiles.
À l’heure où les alliances régionales se redessinent, un apaisement entre Tunis et Rabat serait plus qu’un symbole : ce serait une bouffée d’oxygène pour un Maghreb trop souvent fragmenté.
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