Au bout de quelques mois de mariage, très souvent les époux commencent à penser à avoir des enfants. D’ailleurs dans la grosse majorité des cas, s’ils n’ont pas choisi d’utiliser des contraceptifs, un bébé va s’annoncer de lui-même, naturellement, et va faire la joie de ses futurs parents.
Mais il arrive parfois qu’au bout de quelques mois, voire quelques années, ce bébé traine à se manifester.
Dans nos pays, lorsque ce bébé tarde à venir, en plus de l’inquiétude des époux concernés, il y a toute la famille et « amis » qui s’en mêlent. Ils posent des questions, mettent la pression…
Le couple commence déjà à ressentir les coups d’œil de travers, les chuchotements, les remarques désobligeantes, les questions indiscrètes… Pourquoi est-ce que vous n’avez pas encore d’enfants? Qu’attendez-vous pour en avoir? Est-ce que vous seriez stériles?
La stérilité, même temporaire, est une tare dans nos sociétés arabo-musulmanes. S’il s’agit d’un homme, on le pensera « impuissant », s’il s’agit d’une femme, c’est encore pire. Imaginez donc: à quoi sert une femme si elle ne peut pas remplir sa fonction première qui est de donner la vie et reproduire l’espèce?
Après réflexion et hésitations, ce jeune couple devra prendre des décisions importantes: soit recourir à la médecine et éventuellement à la reproduction assistée, soit adopter, soit vivre sans enfants.
C’est vraiment très difficile. Certains couples ne résistent d’ailleurs pas à cette pression et finissent par divorcer, surtout si l’un d’entre eux se sent « coupable » ou que certains membres de la famille mettent de l’huile sur le feu. Sans oublier qu’il arrive aussi que l’un des époux rende l’autre responsable et divorce pour ce remarier avec une personne « en bonne santé ».
Pour la reproduction médicalement assistée, il faut avoir des moyens financiers et surtout surtout beaucoup de patience. Chaque mois, ce sont des examens, analyses, échographies…. Le parcours est très long. Certains pourront concevoir un enfant après juste un traitement médicamenteux, d’autres devront recourir aux inséminations artificielles ou fécondations in vitro. Et pour d’autres, il faudra se résoudre à une évidence : pas de bébé.
Pour l’adoption aussi le chemin est dur. Il faut surtout vaincre les préjugés. Essayer de ne pas écouter ceux qui disent que l’adoption est « hram » et donc interdite par l’islam, et ceux qui reprochent aux enfants à adopter d’être des bâtards « wled hram », comme s’ils portaient en eux une tare indélébile.
Vraiment très difficile.
Ce sujet délicat de la stérilité est le thème de la 5eme histoire du feuilleton égyptien Ella Ana – Excepté moi qui passe actuellement sur la chaine de TV dmc TV, du samedi au mercredi à 19h (heure tunisienne), avec plusieurs rediffusions sur dmc TV et dmc drama.
Ce feuilleton raconte six histoires de femmes, dont chacune se compose d’environ dix épisodes. Toutes ces histoires sont basées sur des événements réels, et traitent de différents problèmes qui concernent les femmes dans leur relation avec la société. Y sont abordés notamment des sujet comme l’héritage, avec cette inégalité flagrante entre hommes et femmes et ce qui pourrait en découler comme injustices, le travail des femmes, ses avantages et ses inconvénients, les femmes qui élèvent seules leurs enfants à cause de l’absence du mari, la stérilité ou le retard de conception, l’infidélité du conjoint….
Ces histoires sont écrites, réalisées et jouées par des équipes différentes. En fait, chaque histoire est en elle-même un mini-feuilleton distinct. Le point commun de toutes ces histoires est qu’il s’agit de problèmes de femmes.
Les rôles principaux sont joués par les actrices Wafaa Amer (Histoire 1 : Les filles de Moussa), Arwa Gouda (Histoire 2 : Les années passent..), Hanan Motawi (Histoire 3 : L’espoir de ma vie), Shery Adel (Histoire 4 : Une affaire personnelle), Kinda Allouch (Histoire 5 : L’éclat de la lune) et Jamila Awad (Histoire 6 : Je dois vivre).
Il est évident qu’en Tunisie, la condition des femmes est juridiquement meilleure que celle des autres femmes arabo-musulmans, puisque au moins chez nous, les femmes héritent quand même un peu et ne sont plus à la merci de la famille paternelle en cas de décès du père ou que la polygamie a été abolie et que les femmes ne craignent plus de se retrouver avec une coépouse….
Malgré cela, ce feuilleton nous concerne aussi, surtout en cette période de montée du conservatisme et du machisme. Il est important qu’on le diffuse, parce qu’il a un rôle éducatif important.
Ella Ana – Excepté moi est bien écrit et bien réalisé. Il est subtil et, sans tomber dans les excès et l’exagération, montre d’une façon naturelle, les problèmes des femmes. La vérité telle qu’elle est. En fait, il joue un rôle d’éducation et de sensibilisation sans porter aucun jugement. De cette manière, il parviendra surement à faire réfléchir et peut-être même à changer les mentalités.
Faire passer des messages et éduquer tout en divertissant est aussi un rôle important de la TV, qui ne l’oublions pas, entre dans tous les foyers et touche toutes les familles. Ce genre de feuilletons pousse à réfléchir en montrant les problèmes concrets que rencontrent des gens ordinaires, auxquels les téléspectateurs vont s’identifier sans peine. C’est bien plus efficace que des milliers de discours directs, qui souvent n’atteignent pas leurs cibles et qui paraissent parfois ne s’adresser qu’à une certaine élite, pourtant déjà convaincue.
Je vous conseille vivement ce feuilleton. Je souhaiterais même qu’une de nos chaines de TV tunisiennes le diffuse pour qu’il soit encore plus vu. Mais ce qui serait encore mieux est que des professionnels tunisiens pensent à faire des feuilletons pareils, loin de la violence d’un Awled Moufida, ou le mauvais exemple d’un Ali Chouarab qui pourraient influencer les jeunes et leur donner de mauvais exemples à suivre. Pourquoi pas d’ailleurs? Pourquoi est-ce que nos feuilletons tunisiens et même généralement nos émissions TV ne remplissent plus ce rôle éducatif et au contraire ne font que tirer vers le bas une société qui est en train de perdre ses repères?
Bande annonce de Ella Ana:
Neila Driss