Depuis Gaza, où la guerre se poursuit avec une intensité dramatique, la voix des cinéastes palestiniens a trouvé un écho puissant à l’international. En réponse à leur appel, l’organisation Film Workers for Palestine a publié un texte d’engagement qui a déjà rassemblé plus de 1 200 signataires dans le monde du cinéma et de la télévision. Ce mouvement, intitulé « Les travailleurs du cinéma s’engagent à mettre fin à la complicité », réunit des stars mondiales, des réalisateurs primés et des professionnels de toutes les branches de l’industrie, dans ce qui s’annonce comme l’une des mobilisations artistiques les plus importantes contre la politique de l’État israélien.
Un front de stars et de figures reconnues
Le poids de cette déclaration réside dans la stature de ceux qui la signent. Parmi eux figurent des lauréats d’Oscars, de BAFTA, d’Emmys et de Palmes d’or. Susan Sarandon, actrice oscarisée et militante de longue date, s’est associée au texte, tout comme l’Espagnol Javier Bardem, dont l’engagement politique est connu. Tilda Swinton et Olivia Colman, deux comédiennes britanniques parmi les plus respectées, y ont apposé leur nom, aux côtés de Mark Ruffalo, acteur et militant écologique.
La mobilisation touche également le monde arabe et européen avec des personnalités comme Tahar Rahim, acteur français d’origine algérienne installé à Hollywood, Dhafer L’Abidine, acteur tunisien au parcours international, ou encore l’humoriste et présentateur égyptien Bassem Youssef, devenu l’une des voix critiques les plus suivies dans le monde anglo-saxon. Beatrice Dalle, figure incontournable du cinéma français, ainsi que l’Irlandais Liam Cunningham, célèbre pour son rôle dans Game of Thrones, participent eux aussi à ce mouvement. S’y ajoutent les réalisateurs Yorgos Lanthimos et Aki Kaurismäki, dont la carrière internationale et la reconnaissance critique renforcent la portée symbolique de cette mobilisation.
Le texte intégral de l’engagement
Au centre de cette mobilisation se trouve un texte clair et sans équivoque, dont voici la teneur:
LES TRAVAILLEURS DU CINÉMA S’ENGAGENT À METTRE FIN À LA COMPLICITÉ
En tant que cinéastes, acteurs, professionnels et institutions de l’industrie du cinéma, nous reconnaissons le pouvoir que le cinéma a à façonner les perceptions. En cette période de crise urgente, où nombre de nos gouvernements continuent de permettre le carnage à Gaza, nous devons tout mettre en œuvre afin de lutter contre la complicité avec cette horreur sans fin.
La Cour internationale de Justice, la plus haute juridiction du monde, a jugé qu’il existait un risque plausible de génocide à Gaza et que l’occupation et l’apartheid israéliens contre les Palestiniens sont illégaux. Défendre l’égalité, la justice, et la liberté pour tous est un devoir moral profond que nul d’entre nous ne peut ignorer. Nous devons donc dénoncer dès maintenant les préjudices causés au peuple palestinien.
Nous répondons à l’appel des cinéastes palestiniens, qui ont exhorté l’industrie cinématographique internationale à refuser le silence, le racisme et la déshumanisation, et à « faire tout ce qui est humainement possible » pour mettre fin à la complicité dans leur oppression.
Inspirés par les cinéastes unis contre l’apartheid qui ont refusé de projeter leurs films dans l’Afrique du Sud de l’apartheid, nous nous engageons à ne pas projeter de films, à ne pas apparaître dans des institutions cinématographiques israéliennes, ni à ne pas collaborer avec elles (y compris les festivals, les cinémas, les chaînes de télévision et les sociétés de production) impliquées dans le génocide et l’apartheid contre le peuple palestinien.
Un boycott ciblé et assumé
Le texte précise que le boycott concerne les institutions, festivals, chaînes et sociétés de production liées à l’État israélien et accusées de tirer bénéfice de ses politiques. Des événements comme le Festival du film de Jérusalem, directement soutenu par le gouvernement israélien, sont cités comme exemples d’institutions jugées complices.
L’objectif est de dénoncer le rôle de certaines structures culturelles qui participeraient, selon les signataires, à la normalisation ou à la justification des violences contre le peuple palestinien.
Une filiation historique avec les luttes contre l’apartheid
La déclaration revendique explicitement l’héritage du boycott culturel contre l’Afrique du Sud dans les années 1980. À l’époque, des artistes majeurs comme Martin Scorsese et Jonathan Demme avaient fondé Filmmakers United Against Apartheid et convaincu de nombreux acteurs de l’industrie de refuser toute distribution dans un pays régi par un système raciste et ségrégationniste.
Les signataires de 2025 entendent réactiver ce précédent historique : faire du cinéma non seulement un espace artistique, mais aussi un levier moral et politique.
Une mobilisation qui dépasse les frontières
Au-delà des grandes stars, cette déclaration est également portée par des producteurs, des critiques, des scénaristes, des techniciens, confirmant que la solidarité n’est pas l’affaire exclusive des célébrités. Elle traduit l’idée que le cinéma, dans son ensemble, est impliqué dans la construction des récits collectifs et qu’il doit assumer ses responsabilités face à une situation jugée intolérable.
Une invitation à agir
Le mouvement est ouvert. Film Workers for Palestine invite les professionnels du cinéma, de toutes disciplines et de tous pays, à apposer leur signature. Le texte et le formulaire de soutien sont accessibles en ligne :
👉 https://filmworkersforpalestine.org/#endingcomplicity
Cette mobilisation met en évidence le rôle du cinéma comme outil de responsabilité sociale et éthique. Elle interroge les pratiques institutionnelles, la portée morale des décisions artistiques et l’impact des alliances internationales. Plus qu’un geste de solidarité, elle ouvre un espace de débat sur la manière dont les industries culturelles peuvent influencer les consciences et contribuer à la lutte contre l’oppression. Elle rappelle que le cinéma, en tant qu’institution globale, n’est jamais isolé de la réalité sociale et politique, et qu’il peut devenir un levier concret pour transformer les pratiques et encourager une réflexion collective sur la justice et l’équité.