Juliette Binoche présidera le Jury du 78e Festival de Cannes, quarante ans après sa première apparition sur La Croisette. Actrice au parcours singulier, elle a su imposer son regard sur le monde à travers une carrière marquée par des choix audacieux et une volonté de traverser les frontières du cinéma. Sa présence constante dans le paysage cinématographique international atteste d’une trajectoire marquée par des rencontres et une curiosité artistique inépuisable.
En succédant à Greta Gerwig, elle devient la deuxième femme à prendre le relais d’une autre artiste dans ce rôle. Consciente de la responsabilité qui lui incombe, elle déclare : « J’attends avec impatience le partage de ces moments de vie avec les membres du Jury et le public. En 1985, je montais les Marches pour la première fois avec l’enthousiasme et l’incertitude d’une jeune actrice ; je n’imaginais pas revenir 40 ans après dans ce rôle honorifique de Présidente du Jury. J’en pèse le privilège, la responsabilité et la nécessité absolue d’humilité. »
Depuis ses débuts dans Rendez-vous d’André Téchiné, présenté à Cannes en 1985, elle a construit une filmographie riche et diversifiée, travaillant avec des réalisateurs aussi variés que Michael Haneke, David Cronenberg, Olivier Assayas, Naomi Kawase, Hou Hsiao-hsien, Hirokazu Kore-eda, Krzysztof Kieślowski ou encore Abbas Kiarostami.
Son rôle dans Copie conforme de Kiarostami, qui lui vaut le Prix d’interprétation féminine en 2010, illustre cette volonté de faire du cinéma un lieu de rencontre des cultures et des sensibilités. Dans ce film, tourné en Italie, elle incarne une femme dont l’identité se métamorphose au fil des dialogues, brouillant les repères entre réalité et illusion. Pour elle, l’essence du jeu repose sur l’émotion et la vérité de l’instant. Louis Malle disait d’elle : « Il y a une histoire d’amour entre elle et la caméra, une intensité stupéfiante. »
Son talent a été salué à de nombreuses reprises : elle a remporté un Oscar pour Le Patient anglais en 1997, un BAFTA et un Screen Actors Guild Award pour le même film, un César pour Trois couleurs : Bleu de Krzysztof Kieślowski, ainsi que des prix d’interprétation à Cannes, Berlin et Venise. Elle est la première des deux seules actrices (avec Juliana Moore) à avoir remporté les prix d’interprétation dans les trois plus grands festivals européens. Elle a aussi reçu le Donostia Award à Saint-Sébastien pour l’ensemble de sa carrière et l’European Film Award pour L’Heure d’été.
Au fil des décennies, elle a su alterner films d’auteur et productions plus accessibles, se laissant guider par le désir plutôt que par les règles du marché. Chez Bruno Dumont, elle passe du drame épuré Camille Claudel 1915 (2013) à la comédie burlesque Ma Loute (2016), prouvant sa capacité à embrasser des registres contrastés.
Toujours en quête de nouveaux territoires artistiques, elle explore le théâtre avec Ivo van Hove, la danse avec Akram Khan, la musique aux côtés d’Alexandre Tharaud, et la peinture. Son engagement dans ces disciplines parallèles ne fait que renforcer son rapport sensoriel au jeu, nourrissant chacune de ses performances d’une intensité singulière.
Engagée sur de nombreux fronts, elle défend les droits des sans-papiers, les libertés en Iran – elle avait déjà protesté à Cannes contre l’emprisonnement de Jafar Panahi – et s’exprime régulièrement sur les violences faites aux femmes. En partageant publiquement ses propres expériences dans le milieu du cinéma, elle contribue à faire évoluer les mentalités et à libérer la parole des jeunes actrices. Elle met aussi en garde contre les dangers écologiques, utilisant sa notoriété pour alerter l’opinion sur l’urgence climatique.
En parallèle, Juliette Binoche a récemment été nommée Présidente de l’Académie européenne du cinéma, une institution qui promeut le cinéma du continent à l’international et récompense les films les plus marquants de l’année. Cette nouvelle responsabilité s’inscrit dans son engagement de toujours pour un cinéma ouvert et accessible à tous.
Son parcours rappelle celui d’Olivia de Havilland, qui, en 1965, fut la première femme présidente du Jury du Festival. Soixante ans plus tard, Juliette Binoche perpétue cet héritage, affirmant à son tour l’importance d’une voix libre et engagée au sein du cinéma mondial. Dans un paysage cinématographique en constante mutation, son rôle de présidente du Jury 2025 s’inscrit dans une continuité, tout en portant une vision ouverte, curieuse et engagée sur le monde contemporain.
La 78ème édition du Festival de Cannes se déroulera du mardi 13 au samedi 24 mai 2025.