Dans le cadre du Marché du Film du Festival de Cannes, l’initiative Fantastic 7 s’impose depuis quelques années comme une vitrine incontournable pour les talents émergents du cinéma de genre. Créé en partenariat entre le prestigieux Sitges – Festival international du film fantastique de Catalogne – et le Marché du Film, ce programme réunit sept festivals de renom, reconnus pour leur engagement en faveur du cinéma de genre, chacun proposant un projet porté par un auteur ou une autrice émergente. Le 18 mai, ces derniers viendront présenter leurs projets de films à des professionnels de l’industrie – investisseurs, distributeurs, agents commerciaux – dans l’espoir de concrétiser leur rêve de coproduction et d’élargir la portée de leur vision cinématographique.
À travers cette initiative, le cinéma de genre s’affirme comme un terrain d’expérimentation et de renouvellement. En réunissant chaque année sept projets en développement, sélectionnés par autant de festivals engagés dans la découverte de voix singulières, Fantastic 7 devient une plateforme d’éclosion pour les cinéastes dont les univers flirtent avec l’étrange, l’inquiétant ou le surnaturel. La présence cette année de Pablo Berger en tant que Parrain Fantastique en est la preuve éclatante : avec ses films à la frontière du conte et de l’absurde – Blancanieves ou le récent Mon ami Robot (Robot Dreams) –, le cinéaste espagnol incarne cette porosité entre les genres et ce goût pour les récits audacieux, marque de fabrique du programme.
La sélection 2025 s’annonce particulièrement éclectique et stimulante. De l’Espagne au Mexique, de l’Irak à la Corée du Sud, du Texas à la Chine, en passant par l’Estonie et l’Egypte, les projets choisis nous transportent dans des mondes où le réel se fissure, où la peur révèle les traumatismes individuels ou collectifs, où les femmes occupent des rôles moteurs dans des récits de survie, de malédiction ou de quête intérieure.
Parmi les projets les plus singuliers de cette édition figure Mauvais Œil (Ayin Hara), du réalisateur irakien Yasir Kareem, proposé par le Festival international du film du Caire (CIFF). Le film, profondément enraciné dans la culture du sud de l’Irak, mêle horreur folklorique, écologie et résistance féminine. Dunia, l’héroïne, doit trouver une île mystique pour briser une malédiction qui assèche les rivières. Déchirée entre l’amour et le devoir, elle affronte des forces invisibles qui menacent la terre autant que les siens.
Ce projet, au croisement de la mythologie et de l’anticipation, avait été initialement sélectionné lors du Cairo Film Connection, plateforme de développement de projets organisée dans le cadre des Cairo Industry Days, et destinée à soutenir les cinéastes arabes et africains. Depuis sa création, le Cairo Film Connection s’est affirmé comme un incubateur efficace pour les jeunes voix du cinéma indépendant, en les connectant à des producteurs, distributeurs et fonds internationaux. Ayin Hara a donc bénéficié de cet accompagnement en amont avant d’être désigné pour représenter officiellement le CIFF au sein du programme Fantastic 7.
L’annonce a été saluée par Hussein Fahmy, président du CIFF, qui a déclaré : « Nous sommes fiers de figurer parmi les festivals choisis pour nommer un projet dans Fantastic 7. Nous croyons qu’“Ayin Hara” porte une voix cinématographique unique et une vision arabe distincte qui méritent reconnaissance et soutien à l’international. »
La participation du CIFF à Fantastic 7 s’inscrit dans une dynamique plus large de renouvellement de la place de l’Égypte dans le cinéma de genre contemporain, longtemps absent de cette scène très codifiée. À travers le projet de Yasir Kareem, le festival égyptien affirme aussi son ambition de repositionner la création arabe dans des formes narratives moins attendues, plus audacieuses, tout en s’ouvrant à des récits politiques et spirituels complexes.
La sélection Fantastic 7 2025 :
1999 | de David Casademunt | Horreur / Thriller.
Présenté par le festival de Sitges.
Abel, un Barcelonais ordinaire, découvre qu’il a été exorcisé enfant. À la recherche de la vérité sur cet événement enfoui, il bascule dans la paranoïa.
SISTERHOOD | de Yoon Eunkyoung | Mystère / Thriller
Présenté par le Festival international du film fantastique de Bucheon.
Une femme s’immisce dans la relation fragile entre une romancière et sa fille, menaçant l’équilibre d’un nouveau foyer recomposé.
MAUVAIS ŒIL (Ayin Hara) | de Yasir Kareem | Horreur folklorique
Présenté par le Festival international du film du Caire
Une jeune femme irakienne affronte une malédiction ancestrale dans un monde post-apocalyptique, entre amour, sacrifice et écosystème en péril.
CACHORRA | de Elisa Puerto Aubel | Horreur / Science-fiction
Présenté par le Festival international du film de Guadalajara
Une vétérinaire mexicaine découvre une expérimentation clandestine à la frontière en recueillant un mystérieux louveteau. Pour survivre, elle doit embrasser son instinct primal.
FUXI : La Joie en quatre chapitres | de Qiu Jiongjiong | Horreur / Comédie / Science-fiction / Thriller érotique
Présenté par HKIFF x HAF
Quatre histoires fantastiques tournées sous un chapiteau de cirque, entre passé et présent, vivants et morts, festin macabre et célébration poétique.
GUI | de Emily Hagins | Horreur corporelle / Horreur de Noël
Présenté par le SXSW Film & TV Festival
Une plante de gui démoniaque s’attaque à un groupe d’adolescents en plein réveillon, se nourrissant de leurs pulsions et angoisses adolescentes.
LA DERNIÈRE LUNE | de Sean McConville | Thriller surnaturel
Présenté par le PÖFF – Festival du film des Nuits noires de Tallinn
Raconté en temps réel, ce huis clos surnaturel suit un homme persuadé d’être victime d’une malédiction, implorant l’aide de son frère avant qu’il ne soit trop tard.
Cette année, l’Égypte revient en force au Festival de Cannes. En plus de sa présence remarquée dans Fantastic 7 à travers le projet Mauvais Œil, le pays est représenté dans trois sections du festival : en Compétition officielle avec Les Aigles de la République, signé par le réalisateur suédois d’origine égyptienne Tarik Saleh ; dans la section Un Certain Regard, avec Aisha Can’t Fly Away Anymore du jeune cinéaste Morad Mostafa ; et en section parallèle ACID, avec La vie après Siham de Namir Abdel Messeeh. Par ailleurs, et c’est une avancée symbolique, l’Égypte dispose cette année, pour la première fois depuis très longtemps, d’un pavillon national au Marché du Film, signe fort d’un désir de réancrage et de visibilité sur la scène internationale.
Neïla Driss