Elles sont aujourd’hui le moteur de la croissance et souvent les garantes de notre éthique et de nos ancrages. Et si les Tunisiennes sont exemplaires, ne sommes-nous pas en train de les décevoir ?
Cela fait une dizaine de jours que j’attends d’écrire ce billet pour dire d’abord mon admiration aux Tunisiennes, toutes les Tunisiennes. Et si je le fais aujourd’hui, c’est parce que j’ai eu la joie de modérer un débat intitulé « Les Tunisiennes et les disciplines scientifiques », un débat animé par trois battantes.
Cette rencontre s’inscrivait dans le cadre des Tertulia de l’Institut Cervantès, un cycle de rencontres conviviales pour débattre de sujets d’actualité. Les invitées étaient la biologiste Erije Messadi et les mathématiciennes Saïma Khenissi et Yomna Rebaï. Dans la salle, elles étaient également des dizaines de femmes scientifiques issues des départements universitaires ou des laboratoires de recherche. Elles étaient toutes venues à l’invitation de l’ambassade d’Espagne célébrer la journée mondiale de la femme scientifique.
Pour ma part, j’étais bouche bée devant le profil de ces dames, surtout l’une d’entre elles qui m’a littéralement conquis. Imaginez cette scientifique tunisienne s’en allant passer une année universitaire au Japon, seulement accompagnée de son fils en bas âge. Et bien sûr, elle s’en est sortie avec les honneurs et témoignait de cette expérience.
Chacune avait énormément à dire et apporter à l’auditoire. La plupart ont rendu hommage à leurs pères qui les ont aiguillées vers les disciplines scientifiques. Certaines portent la mémoire de leurs départements et laboratoires respectifs. D’autres ont des activités à la pointe de la recherche ou des sciences appliquées. Toutes portent une irrépressible étincelle de la modernité tunisienne.
En les écoutant, je ressentais une inquiétude : comment être digne de ces Tunisiennes ? Comment ne pas les décevoir ? Comment faire en sorte que les avancées qu’elles opérent rejaillissent sur tout le pays ?
C’est vrai : certains égarements et autres dérives ont enlisé la Tunisie dans des joutes d’arrière-garde où les coqs réactionnaires fusaient de partout, tirant notre pays vers le bas et le pillant dans le sillage des prédateurs d’hier.
Heureusement que les femmes n’ont jamais cessé d’étudier, militer, travailler. Même si j’ai l’impression d’exclure les hommes, certains hommes, des dynamiques positives, je n’en suis pas moins que ce sont les femmes qui sont l’avenir de la Tunisie et plus précisément l’avenir de ce que nous avons toujours perçu comme une exception tunisienne dans le monde arabe et musulman.
Comment être digne de ces Tunisiennes qui portent le flambeau de la modernité ? Comment ne pas les décevoir par notre passéisme et nos vieux réflexes à l’aune du patriarcat et des intégrismes ?
Trop souvent, le nivellement par le bas que nous avons subi depuis une décennie, a écrasé les hommes sous le carcan des discours identitaires, de la haine et des ressentiments. Dans notre société actuelle, trop d’hommes sont des victimes d’une époque qui est entrée dans le nouveau siècle à reculons.
Comment faire pour aller désormais de l’avant ? Cette Tertulia ( le mot arabe « dardacha » rend bien l’esprit de ces rencontres) m’a ouvert les yeux sur la grande ambition des Tunisiennes (pour elles et leurs enfants) et à rebours, sur la débandade masculine, cette déroute qui cherche toujours midi à quatorze heures.
En écrivant ces lignes, je ne fais que poser quelques questions. Et je suis taraudé par une question : Sommes- nous, collectivement, dignes des Tunisiennes ? J’ai bien peur que non et cette Tertulia m’a amplement convaincu que le chemin était long pour que les hommes puissent rattraper le progrès que les femmes construisent au jour le jour.