Elle a bon dos la liberté d’expression! Ainsi, au nom de ce qui n’est devenu qu’un prétexte, ils sont de plus en plus nombreux à donner des coups de canif au droit positif en rêvant tout bas du règne d’un ordre moral intégriste.
Que penser de ces femmes qui défendent le droit légitime de leur époux à convoler avec d’autres concubines ? Que penser de ces hommes à la barbe révélatrice qui font feu de tout bois contre la République et, souvent, contre l’idée même que la Tunisie puisse exister en tant qu’Etat indépendant ?
Désormais, il semble fort que nous devions apprendre à vivre avec un obscurantisme ordinaire de plus en plus diffus et virulent, une nouvelle inculture qui prône le talion, la mort des « infidèles » et l’avènement de la charia.
Ce qui surprend le plus, c’est que cette pensée réactionnaire n’hésite plus à s’exprimer haut et fort, profitant de certaines connivences pour répandre ses vers dans un fruit largement entamé.
Ce qui, dans la foulée, inquiète, c’est bien la banalisation de ces idées racistes, martiales et intolérantes. Dans la Tunisie d’aujourd’hui, on peut clamer son obscurantisme librement. Au mépris du contrat social qui nous lie.
Certaines mosquées continuent à faire feu de tout bois et brocardent allégrement les Tunisiens d’en face. Dans de nombreuses villes, on vit à la mode intégriste quitte à, par exemple, contracter mariage selon des codes désuets et illégaux.
L’obscurantisme sous toutes ses formes se banalise et s’assume. Au point où les observateurs de notre société devraient définir les tenants et aboutissants de ce courant obscurantiste qui nous prend en tenaille et, chaque jour, affirme davantage son existence et son « triomphe prochain ».
Que de piqûres de rappel ces derniers jours! Car pour surfer sur cette vague obscurantiste (dont certains éléments vont jusqu’à célébrer les victimes faites par les terroristes parmi nos forces sécuritaires), plusieurs politiciens populistes et démagogues montent au créneau.
Les uns profitent de l’épisode scabreux d’une hôtesse de l’air voulant porter le voile à bord des vols commerciaux pour se refaire entendre. D’autres manifestent contre l’appel à interdire le niqab dans les rues et les établissements publics. A ce propos, même le ministre des Affaires religieuses et le grand mufti se crêpent le chignon…
Ne parlons pas des lycéens égarés qui font l’apologie du terrorisme ou de ces jeunes qui subissent des lavages de cerveau puis se retrouvent jihadistes sous la bannière du désespoir.
Tout cela est devenu d’un banal… On n’y prêterait plus attention tellement cela relève d’un ordinaire que des médias en quête d’audimat nous infligent à longueur de journées.
Ce terrorisme furtif, cet obscurantisme banal, cette salafisation subreptice des esprits devraient à tout le moins être questionnés. Rien de tout cela, on préfère cultiver le sensationnel et décréter que la promotion de l’obscurantisme par des hérauts douteux relève du débat d’idées. Jusqu’à quand ?
Le fait est qu’aujourd’hui, dans notre société, les idées les plus rétrogrades se répandent à la vitesse de l’éclair alors que le travail de sape du fragile héritage républicain se poursuit sous le regard complice d’une classe politique largement complice.
Décidément, elle a bon dos la liberté d’expression… Surtout lorsqu’elle sert d’alibi -inattaquable- pour tous ces fossoyeurs de la modernité et des singularités tunisiennes…