Dans l’architecture des mosquées et des menzels de Djerba, la présence de citernes est un élément fondamental dans l’économie de l’eau.
Dans leur architecture, les mosquées de Djerba sont clairement apparentées aux menzels. Elles appartiennent à la même architecture défensive et au même vocabulaire. On y retrouve aussi bien les vastes murs blanchis à la chaux que des minarets qui peuvent parfois ressembler à des vigies.
Ces mosquées à Djerba se comptent par centaines et occupent tout l’espace rural. On raconte qu’en des temps anciens, l’on creusait un puits à côté duquel était ensuite construite une mosquée. Après un certain temps, l’eau du puits devenant saumâtre, la petite communauté se déplaçait plus loin et reprenait le cycle.
Cette anecdote appartient-elle à la légende de l’île ou bien serait-elle avérée ? Si elle peut avancer une explication quant à la quantité impressionnante de mosquées djerbiennes, elle reste insuffisante. En effet, d’autres explications avancent que les mosquées avaient pour fonction de quadriller le territoire et offrir des points d’appui aux communautés rurales.
Leur taille plus ou moins importante dépendait de leur rôle dans ce vaste réseau défensif qui conditionnait l’aménagement du territoire. Ainsi aux forts qui commandaient l’accès à l’île venaient se greffer des « ribats » côtiers, en général de petits sanctuaires comme par exemple à Sidi Jmour. Ensuite, mosquées et « menzels » complétaient ce complexe défensif.
En ce sens, ces édifices étaient souvent conçus dans la complémentarité et pouvaient rapidement communiquer entre eux pour passer le mot, organiser une riposte ou dérouter un adversaire qui se serait aventuré trop loin dans les terres.
Parfois, il est permis de rêver à un plan de l’île qui fasse abstraction de tout et ne représenterait que les monuments défensifs dans leur diversité de tailles et de fonctions.
Cela permettrait de poser un regard inédit et totalement différent sur un réseau architectural qui n’a pas encore livré tous ses secrets.
Dans la logique du territoire djerbien, l’eau et sa gestion ont une importance capitale. Les puits et les citernes sont ainsi le complément naturel de tous les ouvrages défensifs et sont tout aussi disséminés.
La moindre goutte d’eau a une valeur inestimable et les technologies appropriées des terroirs locaux rivalisent d’audace et d’ingéniosité pour aménager « birs » et « majens ».
Les puits sont reconnaissables entre tous et surprennent par leur aspect monumental. Répondant à un modèle très répandu, ces puits ont leur esthétique propre et des structures utilitaires. Surélevés, surplombés par des constructions crénelées, ces puits sont inséparables du paysage îlien.
Leur réseau assez dense est complété par des citernes en « impluvium » qui sont quasiment partout où existe un édifice.
Construites sous les mosquées ou sous les demeures, ces citernes sont invisibles au regard non initié et rendent de nos jours encore d’éminents services.
Régulièrement chaulées et récurées, elles permettent de conserver de l’eau de pluie. Leur existence et leur gestion résonne comme une leçon d’écologie à l’usage de ceux qui, sous des cieux plus cléments, dilapident cette précieuse ressource.
Les citernes de Djerba, élément incontournable et méconnu du paysage posent ainsi des questions à notre conscience environnementale, dans un pays où la grande hydraulique a supplanté les mille et une techniques traditionnelles de captation de l’eau.
Car si la gestion de l’eau dans le sud est caractérisée par les « majen » et les « jessour », la Tunisie a une longue histoire dans ce domaine, depuis les aqueducs romains aux bassins aghlabides en passant par l’équation d’Ibn Chabbat.