Non loin de la mosquĂ©e Al Jadid, en plein milieu de la rue des Teinturiers, au fond de la rue Mbazzaâ, se trouve une demeure quasiment oubliĂ©e…
Un palais du seizième siècle
C’est de Dar Othman Dey qu’il s’agit, un palais construit Ă la fin du seizième siècle, l’un des plus anciens du Tunis actuel.
Ce palais Ă©tait en son temps dĂ©fendu par de larges portes qui barraient l’accès de la rue Mbazaâ. Aujourd’hui, les lieux ont laissĂ© leur splendeur aux siècles passĂ©s et la rue qui mène Ă cette demeure fait honteusement figure de dĂ©potoir, jonchĂ© de poubelles et de gravats.
Et pourtant, Dar Othman abrite de nos jours encore des services ministĂ©riels…
Othman Dey, protecteur des Andalous
Othman Dey a rĂ©gentĂ© la Tunisie au nom des Ottomans, de 1593 Ă 1610. Il n’allait toutefois asseoir son pouvoir qu’après avoir dĂ©jouĂ© plusieurs complots. Marginalisant le diwan et contrĂ´lant les janissaires les plus turbulents, il parviendra Ă pacifier le territoire et renflouer le trĂ©sor public.
C’est lui qui accueillera les Morisques andalous chassĂ©s d’Espagne et les installera Ă Tunis, au Cap Bon et le long de la Medjerda.
C’est Ă©galement lui qui modernisera la flotte tunisienne et consolida les activitĂ©s des corsaires tunisiens en MĂ©diterranĂ©e.
A sa mort en 1610, c’est Youssef Dey qui lui succĂ©dera puis ce sera peu Ă peu au tour des Mouradites de prendre le pouvoir en Tunisie.
Une longue histoire
Il reste de Othman Dey ce palais dont la façade a gardé toute sa superbe. Avec ses linteaux et ses colonnes de marbre, elle continue à faire impression.
La driba est elle aussi un bijou architectural, avec ses cĂ©ramiques, ses stucs et son revĂŞtement de marbre noir et blanc. Enfin, le patio, plantĂ© d’arbres, et la symĂ©trie qui y règne, complètent le faste de cette demeure isolĂ©e voire oubliĂ©e.
Dar Othman a eu une longue histoire. A la mort du fondateur, le palais fut quasiment abandonnĂ© et ne retrouvera un usage que dans la première moitiĂ© du dix-neuvième siècle. C’est Ă cette Ă©poque que le bey Hussein entreprit de restaurer les lieux et occupa la demeure.
Des Corsaires Ă Saint-Vincent de Paul
Ensuite le palais relativement dĂ©labrĂ© servira aux services de l’intendance militaire. Certaines personnes âgĂ©es nomment d’ailleurs cette maison Dar El Oula, ce qui signifie la maison des provisions, une appellation due Ă cet usage.
La demeure devint ensuite la propriĂ©tĂ© d’une sociĂ©tĂ© dĂ©nommĂ©e la Franco-Africaine. C’est de cette pĂ©riode qu’a commencĂ© Ă circuler la lĂ©gende selon laquelle Saint-Vincent de Paul y aurait Ă©tĂ© maintenu captif.
Plus tard, les services de la Direction des Arts et des AntiquitĂ©s, ancĂŞtre de notre actuel Institut du Patrimoine, rĂ©habilitera cette demeure qu’on peut toujours visiter.
Un patio admirable
Le visiteur pourra par exemple découvrir la beauté fanée du patio aménagé en jardin intérieur depuis les années trente. Ce patio est des plus singuliers grâce à ses portiques, ses arcs brisés, ses marbres et ses chapiteaux.
Plus de quatre siècles après sa fondation, cette demeure ottomane demeure un tĂ©moin muet mais essentiel de l’urbanisme dans la mĂ©dina de Tunis.
