Les années et les décennies sont passées comme un clin d’œil, comme un battement de cœur.
Cinquante ans dĂ©jĂ ! C’Ă©tait Ă Mexico, le 17 octobre 1968, le grand Mohamed Gammoudi glanait pour la première fois de son histoire l’or olympique pour la Tunisie.
Haut comme trois pommes, je n’avais alors que dix ans, pratiquement l’âge de la RĂ©publique tunisienne. Avec tout un peuple, j’Ă©tais pour Gammoudi que nous suivions tous depuis quelques annĂ©es, prĂ©cisĂ©ment depuis qu’il avait gagnĂ© une mĂ©daille d’argent au 5000 mètres des Jeux olympiques de Tokyo en 1964.
Tokyo, je m’en souvenais Ă peine et n’ai jamais vu d’images de cette course. Mais Gammoudi Ă©tait dans tous les esprits et s’Ă©tait distinguĂ© un an auparavant en remportant la mĂ©daille d’or des Jeux mĂ©diterranĂ©ens de Tunis sur cette distance.
En ce temps, Gammoudi était le héros positif de tout un peuple et il était, disait-on, le Tunisien le plus connu après Habib Bourguiba.
Tous les gosses de mon âge se prenaient d’ailleurs pour des Gammoudi en herbe et s’amusaient Ă courir en faisant des tours de piste autour des terrains vagues ou bien s’inscrivaient dans les associations sportives tournĂ©es vers les sports athlĂ©tiques.
Favori sur 10.000 mètres, Gammoudi fera une course parfaite, restant en tĂŞte pendant une trentaine de minutes. Malheureusement, il se fera dĂ©passer lors du sprint final et terminera Ă la troisième place derrière le Kenyan Temu et l’Ethiopien Wolde. Il ne remportera que le bronze mais avait, deux jours plus tard, une possibilitĂ© de gagner la mĂ©daille d’or du 5000 mètres.
Arriva le fatidique 19 octobre lorsque, qualifiĂ© pour la finale du 5000 mètres, Gammoudi remportera la mĂ©daille d’or avec un timing de 14mn et 5 sec et en battant les KĂ©nyans Keino et Temu. MalgrĂ© la charge des deux Kenyans, Gammoudi rĂ©sistera jusqu’au bout et donnera Ă la Tunisie la toute première mĂ©daille d’or olympique de son histoire.
Il faudra attendre 2008, une quarantaine d’annĂ©es, pour voir Oussama Mellouli rĂ©itĂ©rer cette performance dans la discipline de la natation.
Il n’en reste pas moins que les Jeux olympiques de Mexico en 1968 sont encore dans toutes les mĂ©moires et ont la saveur particulière des victoires impossibles. Il y a quelques semaines, Gammoudi Ă©tait fĂŞtĂ© en grande pompe par de nombreux sportifs Ă l’occasion du cinquantenaire de sa performance historique. Un moment de bonheur pour le champion et pour tous ceux qui avaient vĂ©cu ce dĂ©fi de Mexico.
Une image, pour ma part, ne me quittera jamais: Gammoudi, dodelinant de la tĂŞte et se retournant subrepticement pour jauger ses adversaires. C’Ă©tait le sprint final et quelques mètres plus tard, l’explosion de joie de tout un peuple.
