À la rue Sidi Saber, dans la médina de Tunis, l’ancien pensionnat des sœurs de Saint-Joseph de l’apparition accueille désormais la Bibliothèque diocésaine.
C’est à plus de cinquante ans que j’ai commencé à fréquenter l’école de Sidi Saber. Non pas que j’ai repris mes cahiers d’élève du cours primaire mais plutôt parce que cette ancienne école abrite désormais la Bibliothèque diocésaine.
C’est là où depuis plus de dix ans, je développe un cycle de rencontres autour de la diversité tunisienne, du vivre-ensemble et des communautés minoritaires. C’est là aussi où je retrouve les échos d’un Tunis lointain et l’auréole de sainteté de plusieurs pieux personnages dont l’œuvre a traversé les siècles.
Dans la médina de Tunis, tous connaissent l’école de la rue Sidi Saber, un marabout de la tradition populaire dont la trace est difficile à remonter.
Peut-être, son sanctuaire se trouvait-il sur l’emplacement de l’oratoire où les artisans du quartier viennent prier ? Rien n’est sûr mais l’ombre tutélaire de Sidi Saber continue à imprégner cette longue ruelle qui relie les deux grandes artères qui mènent à la Zitouna et à la Kasbah.
Saint-Joseph rayonne également sur les lieux. C’est sous sa protection que l’ancienne école et le pensionnat des sœurs étaient placés. Je ressens cette grâce diffuse à chaque fois que je traverse le seuil de ce qui est devenu la Bibliothèque diocésaine.
A chaque visite, je lève la tête et au-dessus du portail, je relis les lettres de fer forgé qui indiquent que je suis devant le pensionnat des sœurs de Saint-Joseph de l’Apparition.
A l’ombre des Bienheureux et des Bienveillants, je me remémore les travaux et les jours de la fondatrice de cet établissement : son courage et sa persévérance en font un modèle de vertu. Sœur Émilie de Vialar est née à la fin du dix-huitième siècle et prononcera ses vœux très tôt.
Après ses premiers pas aux côtés des pauvres et des malades, sœur Émilie embarque pour Tunis en juillet 1840 accompagnée de cinq religieuses de la congrégation qu’elle avait fondée.
C’est de la sorte que les sœurs de Saint-Joseph de l’Apparition sont arrivées à Tunis où elles n’allaient pas tarder à louer un immeuble à la rue Sidi Saber pour y ouvrir leur école dès le mois de septembre.
Au fil des décennies, grâce à des donations et des subventions, les sœurs allaient acheter des maisons et des magasins pour agrandir l’école qui peu à peu, accueillera jusqu’à trois cents élèves de toutes les communautés.
À Sidi Saber, autour de la grande cour, cinq classes comptaient surtout des filles, sous les regards protecteurs de sœur Céleste, sœur Rosalie et sœur Angélique qui furent les premières à se dévouer corps et âme à leur vocation.
Ces noms d’inconnues me traversent lorsque, assis sous les préaux ou bien installé dans l’ancienne chapelle, je me remémore les siècles. Sœur Émilie de Vialar vit toujours ainsi que sa communauté : son nom reste associé à l’une des plus belles écoles de Tunis, sise au Belvédère, juste derrière l’église Jeanne d’Arc. Fondé en 1936, cet établissement est depuis 1988 la Fondation Bouebdelli.
Aujourd’hui, à la rue Sidi Saber, la Bibliothèque diocésaine garde la mémoire de cette congrégation et offre un lieu méditatif à quiconque chercherait un havre de paix et de savoir, au cœur de la médina, à l’ombre chaude de Sidi Saber et Saint-Joseph.