Missiles au-dessus de Téhéran, silence à Gaza, tension à Washington… et tomates à Tel Aviv. Ce 18 juin, pendant que les gros titres annoncent une possible intervention militaire américaine après les frappes israéliennes sur l’Iran, CNN publie, juste en dessous de sa rubrique “Breaking News”, un article frais, croquant, et bien assaisonné : “Les 24 meilleures salades du monde”.
Et au cœur du top 5 de ce palmarès planétaire, entre une panzanella toscane et une salade thaïe : la fameuse “salade israélienne”. Ou devrions-nous dire… notre salade tunisienne, version simplifiée, sans thon ni œuf.
Une salade rebaptisée, une mémoire confisquée
Tomates. Concombres. Persil. Jus de citron. Huile d’olive. Sel. Rien de plus, rien de moins. Une recette plus vieille que les frontières, connue sous mille noms dans tout le monde arabe — salata baladi en Égypte, salade méchouia en Tunisie, salade arabe en Palestine. Chez nous, on l’appelle “slata”, tout simplement.
Mais dans l’univers de CNN, cette salade devient « israélienne ». Plus fort encore : Michael Solomonov, chef israélo-américain cité dans l’article, reconnaît sans gêne ses “origines arabes”. Et pourtant, CNN classe la salade sous la bannière bleue et blanche. L’aveu est là. Le rebranding, aussi.
Mention spéciale à tout le monde… sauf à nous
Dans ce classement, le Liban est cité pour son taboulé, l’Iran pour sa salade Shirazi. Cette dernière est même comparée à la salade israélienne — ce qui revient à dire que l’original ressemble à sa propre copie. On frôle la caricature.
Mais la Tunisie, elle, brille par son absence, malgré la richesse de ses salades : méchouia, houria, slata tounsia… Rien, pas même une note de bas de page. On est pourtant au cœur de cette tradition culinaire partagée, où la tomate et le concombre se mangent crus, cuits, écrasés, fumés, marinés. Mais visiblement, le goût des origines s’arrête là où commence la géographie du pouvoir.
Soft power dans l’assiette : la guerre culturelle continue
Ce n’est pas une simple salade. C’est une stratégie. Celle de l’effacement, du maquillage, du renommage. Falafel, houmous, keffieh — tous sont devenus “produits d’exportation” israéliens aux yeux d’un certain storytelling occidental.
Et maintenant, la salade.
Publier cet article au moment même où Israël bombarde l’Iran et où les États-Unis menacent d’entrer en guerre, ce n’est pas un hasard. C’est une forme de dissonance stratégique. Tandis que les bombes tombent, les concombres racontent une autre histoire. Plus douce. Plus digeste.