Dans une lettre officielle récemment adressée au président Kaïs Saïed, le président américain Donald Trump a imposé 25 % de droits de douane sur tous les produits tunisiens exportés vers les États-Unis.
Officiellement, il s’agirait de protéger « les intérêts économiques américains ». Officieusement ? On ignore encore si ce sont les dattes, l’huile d’olive ou le makroud qui ont déclenché la colère du magnat new-yorkais.
Ce nouvel épisode de la diplomatie à la Trump – où la menace tient lieu de conversation – aurait pu passer inaperçu si la Tunisie ne figurait pas dans la liste restreinte des pays ayant encore quelques illusions sur un commerce équitable avec l’oncle Sam. Mais voilà, dans sa missive, l’homme à la cravate rouge fluo aurait dénoncé la politique commerciale « déséquilibrée » de la Tunisie. Un comble, quand on sait que le volume des échanges commerciaux entre les deux pays en 2023 ne dépassait pas 1,2 milliard de dollars, avec un excédent modeste en faveur de Tunis essentiellement dû… aux exportations de produits agroalimentaires et textiles.
Les makrouds en ligne de mire ?
Certes, Trump n’a pas explicitement nommé le makroud – ce délicieux gâteau tunisien à la semoule, aux dattes et au miel – mais dans un monde où un croissant peut être un acte de résistance, tout est possible. La rhétorique de l’ancien président repose sur un schéma simple : menacer les petits pour faire peur aux grands. Il n’est donc pas étonnant que la Tunisie, pays sans armée nucléaire, sans géants du numérique, ni gaz de schiste, devienne une cible facile pour ce type de communication virile.
Derrière la caricature, il y a pourtant une réalité préoccupante. En pleine crise économique, avec une dette publique dépassant les 80 % du PIB, une inflation persistante et une monnaie en chute, la Tunisie ne peut se permettre un bras de fer commercial, même symbolique. Une hausse des droits de douane américains, aussi limitée soit-elle, pourrait pénaliser certaines entreprises exportatrices déjà fragilisées.
Rappelons qu’en 2022, les exportations tunisiennes vers les États-Unis représentaient à peine 2,2 % du total, selon l’Observatoire tunisien de l’économie. Les principaux produits concernés sont les câbles électriques, les dattes, les vêtements, l’huile d’olive, les produits agroalimentaires et certains articles mécaniques. Autant dire qu’il ne s’agit pas d’une dépendance, mais d’un levier diplomatique que Trump agite comme une batte de baseball dans un salon de thé.
Une Tunisie coincée entre les blocs
La lettre intervient aussi dans un contexte géopolitique particulier. La Tunisie multiplie les signes de rapprochement avec la Chine, a réaffirmé récemment sa neutralité dans les conflits mondiaux, et continue d’explorer d’autres partenariats sud-sud, notamment avec l’Algérie, la Turquie ou encore les BRICS. Un positionnement qui déplaît à certains milieux conservateurs américains, pour qui toute neutralité est déjà un affront.
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