Les investissements étrangers en Tunisie ont progressé de 28,1 % à fin septembre 2025. Une hausse qui, à première vue, pourrait sembler conjoncturelle — un simple rebond après plusieurs années de turbulence. Pourtant, la lecture fine des données de la FIPA révèle un mouvement plus profond : le retour en force du secteur industriel, véritable colonne vertébrale des IDE et principal moteur de cette dynamique.
Un redressement chiffré, mais surtout structurel
Avec 2 588,7 millions de dinars d’investissements cumulés, la Tunisie signe l’une de ses meilleures performances depuis 2015. La progression est régulière :
- +28,1 % vs 2024
- +39,7 % vs 2023
- +58,1 % vs 2022
Ce n’est donc pas un « effet d’optique », mais un trend qui s’affirme depuis trois ans.
Surtout, les investissements directs étrangers (IED) forment l’essentiel de cette hausse : 2 536 MD, en progression de 27,7 %.
Les investissements de portefeuille, malgré une hausse de 56,8 %, restent anecdotiques : 52,7 MD.
Autrement dit, les capitaux qui arrivent sont productifs, long terme, et ancrés dans le tissu économique.
Industrie : le pilier qui tire toute la courbe
La clé de lecture est là : 63,6 % des IDE vont à l’industrie.
Soit 1 613 MD, un niveau rarement atteint ces dernières années.
Pourquoi l’industrie et pas les autres secteurs ?
Parce que l’écosystème tunisien reste perçu comme :
- un pôle de production manufacturière compétitive,
- une plateforme proche de l’Europe,
- un vivier de main-d’œuvre qualifiée,
- un acteur clé dans les chaînes de valeur automobile, mécanique, électronique, textile et agroalimentaire.
C’est ce socle qui explique l’essentiel de la hausse des 28,1 %.
Les autres secteurs progressent, mais n’ont pas la même intensité d’investissement.
- Énergie : 19,5 % – importante, mais en cycle lent.
- Services : 14,4 % – progression modérée.
- Agriculture : 2,5 % – marginal, structurellement sous-capitalisé.
La Tunisie reste donc, avant tout, un pays industriel, un fait que rappellent chaque année les courbes des IDE.
Le visage des investisseurs : l’Europe en première ligne
La hiérarchie des partenaires n’a pas changé :
- France : 639,9 MD – 31,3 % du total (hors énergie).
- Allemagne : 294 MD.
- Italie : 242,4 MD.
- Pays-Bas : 153,7 MD.
- États-Unis : 108,2 MD.
Si la dispersion existe, le cœur reste européen.
Ce qui signifie que l’intérêt pour la Tunisie n’est pas tant opportuniste que structurel : les chaînes de valeur européennes ont besoin de la Tunisie, et investissent en conséquence.
2026 : l’ambition du doublement, ou l’épreuve de vérité
Le gouvernement fixe un objectif audacieux : atteindre 4 milliards de dinars d’IDE en 2026.
Pour un pays sous tension budgétaire, c’est à la fois une nécessité et un pari.
La stratégie annoncée repose sur plusieurs leviers :
- hausse du taux d’intégration automobile de 40 % à 55 % fin 2026,
- orientation vers l’aéronautique, le pharmaceutique, le numérique,
- montée en gamme dans l’agroalimentaire et les textiles techniques,
- ciblage fin par matrice pays/secteur pour aller chercher les projets les plus rentables.
La question n’est plus seulement d’attirer des IDE, mais de réorienter la structure même de l’investissement vers la haute valeur ajoutée.
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