Lors de la conférence de presse organisée pour présenter la 46ᵉ édition du Festival international du film du Caire (CIFF), placée cette année sous le signe de l’humanité, Mohamed Nabil, responsable de la compétition « Horizons du cinéma arabe », a dévoilé la sélection des films et les membres du jury qui auront la lourde tâche de décerner les prix. Parmi les huit films en lice, deux productions tunisiennes, Looking for Aida de Sarra Abidi et Round 13 de Mohamed Ali Nahdi, marquent la présence du cinéma du pays au sein de cette compétition, aux côtés d’œuvres venues d’Égypte, du Liban, du Maroc, d’Irak et de France.
Mohamed Nabil a insisté sur la richesse et la diversité de cette sélection : tous les films présentés sont des premières, qu’elles soient mondiales ou limitées à la région MENA, et chacun explore des thèmes variés, parfois intimes, parfois sociaux, toujours avec une approche artistique singulière. « Je tiens à remercier tous les cinéastes arabes, qui malgré les difficultés, continuent de créer et de faire des films, apportant leur vision et leur voix uniques », a-t-il déclaré.
La moitié des films sont réalisés par des femmes, une proportion qui illustre la place croissante des réalisatrices dans le paysage cinématographique arabe.
Le jury de la compétition « Horizons du cinéma arabe » réunit trois professionnels du cinéma : Karim Aïtouna, producteur marocain reconnu pour son soutien à la production indépendante ; Nadia Dresti, membre du conseil du Festival de Locarno en Suisse ; et Abdelsalam Moussa, directeur de la photographie égyptien. Ensemble, ils auront la responsabilité de juger des œuvres très diverses, tant par la forme que par les sujets, et d’attribuer les prix selon leur appréciation artistique.
La compétition propose une palette de récits et de styles qui reflète la vitalité du cinéma arabe contemporain. Ainsi, Azza de Stefanie Brockhaus (Allemagne | 2025 | 89 min) suit le parcours d’une enseignante de conduite pour femmes en Arabie saoudite, contrainte de jongler entre sa passion pour son métier et la nécessité de subvenir aux besoins de ses quatre enfants. Pour s’échapper de ses difficultés quotidiennes et se libérer d’un passé douloureux, Azza décide de partir pour un road trip dans le désert, une aventure qui devient à la fois un voyage physique et une quête de liberté personnelle.
En Égypte, Complaint No. 713317 de Yasser Shafiey (2025 | 76 min) s’ouvre sur un incident banal : un réfrigérateur en panne. Un couple de soixante ans, menant une vie tranquille, tente simplement de le faire réparer. Mais la réparation se transforme en un labyrinthe d’appels, de retards, de promesses non tenues, de pots-de-vin et de silences, révélant la fragilité de la dignité humaine face à un système administratif oppressant. Ce récit, à la fois simple et poignant, met en lumière les luttes quotidiennes que peuvent traverser les individus, tout en dévoilant l’absurdité et la rigidité de certaines structures sociales.
Du Liban, Dead Dog de Sarah Francis (2025 | 92 min) explore les méandres d’un mariage éloigné. Walid et Aida se retrouvent après de nombreuses années passées à l’étranger pour Walid. La réalisatrice, dans une construction narrative minutieuse, dévoile peu à peu les secrets et tensions enfouis depuis longtemps. Chaque geste, chaque silence, chaque regard devient une pièce du puzzle d’un mariage qui tente de se reconstruire, révélant les blessures et les non-dits qui ont façonné leur histoire commune.
La quête du passé et de la mémoire prend une dimension intime et universelle dans Flana de Zahraa Ghandour (Irak, France, Qatar | 2025 | 85 min). Le film suit une réalisatrice qui tente de comprendre son enfance, de retrouver une amie disparue et de donner voix aux filles oubliées d’Irak. La narration se déploie dans un mélange d’investigation personnelle et de confrontation avec l’histoire collective, révélant la fragilité et la force des souvenirs et des identités que le temps tend à effacer.
Au Maroc, Goundafa, The Cursed Song d’Ali Benjelloun (2025 | 96 min) plonge le spectateur dans la vie d’un village du Haut Atlas. Trois jeunes hommes, Said, Brahim et Omar, rêvent de succès musical, tandis que Fadma et les autres femmes du village travaillent la terre en chantant. L’arrivée d’un imam conservateur bouleverse progressivement le quotidien : il impose des restrictions, incite certains à renier leur identité amazighe et provoque des tensions au sein de la communauté. Le film explore avec sensibilité la collision entre traditions, ambitions personnelles et changements sociaux.
Looking for Aida de Sarra Abidi (Tunisie | 2025 | 89 min) raconte le bouleversement provoqué par le départ inattendu d’un collègue de longue date dans le centre d’appels où travaille Ayda. Ses sentiments longtemps tus pour lui, combinés à une série d’événements imprévus, la poussent à interroger sa vie, son rapport au temps, à son environnement et à elle-même, dans un récit à la fois introspectif et sensible.
Pasha’s Girls de Mohamed Al Adl (Égypte | 2025 | 98 min) mêle drame et tension sociale. Après un attentat terroriste, Nadia, esthéticienne, est retrouvée morte. Nour El Basha et son équipe tentent de dissimuler le suicide apparent pour préserver leur image. En préparant le corps et en recherchant un permis d’inhumation illégal, les employés confrontent les vérités sur eux-mêmes et sur leur relation avec Nadia, offrant au spectateur un portrait complexe et nuancé des réactions humaines face à la tragédie et au poids des responsabilités sociales.
Round 13 de Mohamed Ali Nahdi (Tunisie | 2025 | 89 min) suit Kamel, ancien champion de boxe ayant mis fin à sa carrière par amour pour sa femme Samia. La vie de la famille bascule lorsque leur fils Sabri se fracture le bras et reçoit un diagnostic de tumeur maligne, entraînant les personnages dans une succession d’émotions, de questionnements et de choix difficiles.
Cette édition du CIFF, à travers la compétition « Horizons du cinéma arabe », met en lumière la diversité, la créativité et la résilience du cinéma arabe. Chacun des films présentés offre un regard singulier sur la réalité contemporaine, les luttes personnelles et sociales, et la manière dont les cinéastes arabes continuent, année après année, à renouveler les formes narratives tout en faisant entendre leur voix sur la scène internationale.
Neïla Driss