Le Bureau de l’Assemblée des représentants du peuple a décidé, lors de sa réunion tenue jeudi 10 avril, de transmettre à la Commission de la législation générale la proposition de loi visant à amender et compléter le Décret n°54, relatif à la lutte contre les crimes liés aux systèmes d’information et de communication.
Cette décision a suscité une réaction immédiate du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), qui a appelé à l’abandon pur et simple des articles « hostiles aux libertés et aux droits fondamentaux ».
Dans une déclaration accordée aujourd’hui à l’agence TAP, le président du SNJT, Zied Dabbar, a exhorté les députés à renoncer totalement aux dispositions répressives contenues dans le décret. Selon lui, « l’essentiel n’est pas tant la transmission du projet d’amendement à la commission concernée que la prise de conscience de la nécessité d’abroger les articles utilisés pour emprisonner politiciens, avocats, journalistes, blogueurs et simples citoyens ».
Dabbar a également exprimé la surprise du SNJT de voir le texte renvoyé à la Commission de la législation générale, alors que la Commission des droits et libertés aurait été, selon le syndicat, plus compétente et mieux placée pour examiner un projet ayant un impact direct sur les libertés fondamentales.
La proposition d’amendement avait été déposée dès le 20 février 2024 par un groupe de députés, mais n’avait pas été transmise aux commissions concernées. Face à cette inaction, 60 députés ont renouvelé la demande en janvier dernier pour que le texte soit examiné en urgence.
De son côté, le SNJT, en collaboration avec des composantes de la société civile, a multiplié les actions pour demander l’arrêt des poursuites judiciaires contre les journalistes et professionnels des médias sur la base du décret 54, appelant à l’application du décret 115, qui régit les infractions liées à la presse et à l’information.
Un précédent judiciaire marquant a été enregistré le 3 février 2025, lorsque la 29e chambre de la Cour de cassation de Tunis a rendu une décision de principe : elle a jugé que les médias ne sont pas concernés par les dispositions du décret 54.
La Cour a annulé la transmission de l’affaire de l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani à la chambre criminelle, dans une affaire liée à ses critiques envers des agents publics. Selon la juridiction, les médias doivent relever exclusivement du décret 115.
Le SNJT a salué cette décision, la qualifiant de « courageuse » et de « pas importante vers une interprétation juridique juste », soulignant qu’elle contribuait à restaurer l’application exclusive du décret 115 pour les affaires de publication.
Enfin, le syndicat a rappelé que le décret 115 couvre toutes les formes de diffusion d’information mentionnées à l’article 50, à savoir les dessins, discours, publications dans les lieux publics, impressions destinées au grand public, ainsi que les supports écrits, sonores, audiovisuels ou électroniques.