Goha, réalisé par Jacques Baratier en 1958, avec dans les principaux rôles Omar Sharif (Goha), Zina Bouzaïane (Fulla), Lauro Gazzolo (Taj’El Ouloum), Claudia Cardinale (Amina, la servante de Fulla), Hassiba Rochdi (la tante de Fulla), Fatma Guedicha (Anissa) et Zohra Faïza (Farida), a été le premier film tunisien d’après l’indépendance.
En Tunisie, un décret en date du 31 mai 1956, avait institué un Secrétariat d’État à l’Information en charge de toutes les questions de presse, radiodiffusion, télévision et cinéma. Dans une lettre datée du 24 août 1956, le Secrétaire d’Etat à l’Information avait annoncé au réalisateur que «la société de production tunisienne actuellement en voie de formation sous l’égide du Secrétariat à l’Information participera comme producteur pour une somme de 15 millions au financement du film».
A cette époque-là, l’industrie cinématographique tunisienne en était à ses premiers balbutiements; elle ne possédait que des embryons de studios et pas le moindre laboratoire cinématographique. Officiellement créée en 1957 sous le nom de «Société anonyme tunisienne de production et d’expansion cinématographique» (SATPEC), cette société d’économie mixte commence laborieusement à se mettre en place fin 1958, avec pour mission d’implanter une industrie cinématographique en Tunisie. Goha sera le premier long métrage « tunisien » de l’histoire du cinéma.
Goha est donc en réalité une coproduction franco-tunisienne, mais le réalisateur avait offert le film à la Tunisie, et c’est sous ce drapeau qu’il avait d’ailleurs été sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes où il avait remporté le Prix Le Premier Regard – Un Certain Regard.
Le film avait été tourné en deux versions, l’une en français et l’autre en arabe. Ce qui signifie que toutes les scènes avaient été tournées deux fois, une fois dans chaque langue. D’après sa fille, Jacques Baratier avait fait ce choix en signe d’égalité et d’amitié.
Deux futures grandes stars du cinéma mondial seront révélées dans Goha : Omar Sharif dans le rôle de Goha et Claudia Cardinale, dont c’était le premier film, dans celui d’Amina.
C’est en 1954 que le réalisateur égyptien Youssef Chahine avait découvert Omar Sharif et lui avait donné son premier rôle dans le film Ciel d’enfer, qui avait, par la suite, été sélectionné au festival de Cannes. Et c’est dans un magazine couvrant le festival que Jacques Baratier va voir la photographie de ce jeune comédien de 22 ans. Il va le rencontrer et le convaincre de jouer le rôle de Goha, pourtant si éloigné de sa propre personnalité. Goha sera le 9ème rôle au cinéma de Omar Sharif.
Daté du 4 août 1956, le contrat de Omar Sharif précisait que l’acteur était engagé pour «treize semaines, avec prolongation éventuelle», pour une rémunération totale de un million de francs, échelonnée en cinq versements (anciens francs bien-sur!).
Hassiba Rochdi et Claudia Cardinale dans le film « Goha »
Le tournage avait débuté le 14 Mars 1957 et avait duré 15 semaines, à Hammamet, Dar Chaabane El Fehri, Tunis, Ras El Djebel, Djerba, Kairouan et Sidi Bou Saïd.
Un jeune figurant tunisien se souvient encore du tournage et a même raconté ses souvenirs sur facebook: « (…) jaillit à mon esprit le souvenir du film qui fut tourné en partie à Dar Chaabane El Fehry et où je fus engagé, à l’insu de mes parents, comme figurant pour un jour, parmi tant de jeunes gens de mon âge, dans des scènes qu’on tournait à répétition à longueur de journée (….). La scène la plus impressionnante dans ce film où les Chaabanais se retrouveront le plus a été tournée à la place du militant qu’on nommait jadis houmet boubkir du nom du marabout sidi Boubker dont le mausolée est bien visible dans le film (…). Une cinecittà : telle fut Dar Chaabane El Fehry le temps du tournage: une cité en fête où s’est mêlée la joie des jeunes à celle des moins jeunes, tous enchantés de découvrir le monde magique du cinéma, surtout à une époque où le pays venait juste de sortir du joug colonial ».
C’est Mohamed Jamoussi qui avait interprété les chansons du film Goha.
Mohamed jamoussi
La première de Goha en Tunisie avait eu lieu le 15 Avril 1958 au cinéma Le Paris de Tunis. Le film est ensuite sorti en France le 6 mai 1959.
Les négatifs disparurent pendant des décennies, mais finirent par être retrouvés dans un studio de Gammarth. La restauration numérique des deux versions, arabe et française, a été effectuée par Les Archives françaises du film du CNC, en collaboration avec Diane Baratier, la fille du cinéaste, l’Association Jacques Baratier et le Ministère des Affaires Culturelles tunisien.
La version restaurée a été présentée dans le cadre de la section Cannes Classics du Festival de Cannes 2013, en présence de Claudia Cardinale et du réalisateur Férid Boughedir.
Ensuite, le film restauré a été présenté dans plusieurs autres festivals, dont le Festival Lumière (Lyon – France) en octobre 2013.
En mars 2018, Goha a été le film d’inauguration de la Cinémathèque Tunisienne. Mme Baratier, la veuve du réalisateur, et Claudia Cardinale avaient assisté à la projection.
Synopsis
Goha est un pauvre garçon naïf et ignorant qui ne sait rien de la vie, un être qui ne raisonne pas et ne calcule pas. Il semble poursuivre son ombre au lieu de travailler et de devenir un homme. Dans le voisinage de Goha habite un savant respecté et admiré de tous, Taj-El-Ouloum, qui désire se remarier. Ses femmes lui choisissent donc une nouvelle épouse, une toute jeune fille prénommée Fulla. La jeune fille s’ennuie désespérément dans le palais de son vieil époux et cherche à combler le vide de sa vie. Par le plus grand des hasards, Fulla s’éprend de Goha, répondant aussitôt à son amour. Lorsque Taj-El-Ouloum découvre son infortune, il répudie Fulla qui est renvoyée chez son père. Goha est chassé de la maison paternelle et devient la honte du village.
Pour regarder le film:
Neïla Driss