A la Marsa, Othman Haouas est une figure de légende. Apprécié de tous, aimé et respecté, cet homme de 91 ans fleure bon la tradition.
NĂ© en 1927, il continue chaque jour Ă se rendre au fameux CafĂ© Haouas qui se trouve en plein centre de la ville de la Marsa et n’est sĂ©parĂ© du Saf Saf que par la placette ombragĂ©e peuplĂ©e de visiteurs.
Ce CafĂ© Haouas a des origines lointaines. En 1901, il portait le nom « Grand CafĂ© de France » mais l’enseigne changera pour devenir un grand magasin beylical puis un dĂ©pĂ´t de grossiste.
Après la guerre, en 1943, le Café Haouas verra le jour sous la férule de Azzouz Haouas, le père respecté. Puis ce sera au tour de Othman Haouas de prendre la relève et maintenir une tradition qui se confond avec la mémoire de la Marsa.
Cet homme nĂ© en 1927 est d’une impressionnante vitalitĂ©. Il n’hĂ©site pas Ă monter sur une chaise pour vous monter un tableau de plus près ou bien pour dĂ©signer un dĂ©cret beylical exposĂ© sur une Ă©tagère parmi les portraits des beys qui ont rĂ©gnĂ© sur la rĂ©gence de Tunis.
Othman Haouas devient inĂ©puisable lorsqu’il Ă©voque son grand-père dont il a reçu le prĂ©nom en hĂ©ritage. Et ce dĂ©cret beylical qu’il me montre est celui qui nommait son aĂŻeul responsable des portes de la ville de Tunis.
En effet, du temps de Sadok Bey, Othman Haouas avait cette charge qui consistait à veiller sur les portes de la ville et les maintenir fermées et protégées.
Avec les corps de spahis et des zaptiers à ses ordres, Othman Haouas était surnommé Bey Ellil par le petit peuple. Son petit-fils en tire à ce jour une fierté légitime et sait vous raconter par le détail chacune des portes de la ville.
Tout aussi inĂ©puisable lorsqu’il s’agit de la Marsa, ce vĂ©ritable trĂ©sor humain connaĂ®t son histoire beylicale sur le bout des doigts et, le verbe haut, reconstruit devant vous les palais d’hier et raconte les notables de la couronne.
Othman Haouas est de nos jours le « mokadem » des Aissaouias de la Marsa. Entre recueillement et chants liturgiques, il rĂ©unit les adeptes de la confrĂ©rie tous les dimanches jusqu’Ă la nuit tombĂ©e pour Ă©voquer la mĂ©moire des saints dans la zaouia des Chorfas, non loin de Sidi Abdelaziz.
Cela pourrait surprendre mais le mystique d’aujourd’hui dont le portrait en costume rituel trĂ´ne dans la grande salle du cafĂ©, fut aussi un redoutable footballeur du temps du Club AthlĂ©tique de la Marsa, une association antĂ©rieure Ă l’actuel Avenir sportif.
Demi-droit dĂ©fensif, il portait la casaque rouge et noire du CAM et se souvient des exploits de l’Ă©quipe et de sa formation mĂ©tissĂ©e Ă l’image de la Tunisie de l’Ă©poque.
Ecouter parler Othman Haouas dans la grande salle du café, admirer les vieilles photos de la Marsa et remonter la généalogie des beys est un véritable délice.
DĂ©licat et Ă©loquent, Othman Haouas a le sens de l’accueil et une mĂ©moire d’Ă©lĂ©phant. Qui ira Ă sa rencontre dĂ©couvrir les riches heures de la Marsa et les souvenirs d’un siècle ?
AssurĂ©ment un grand tĂ©moin qu’il convient d’honorer et saluer avec admiration…
