L’anecdote mĂ©rite d’ĂŞtre racontĂ©e mĂŞme si beaucoup de temps est passĂ©. C’Ă©tait lors d’un dĂ©bat et BĂ©chir Khraief et Mohamed Yaalaoui Ă©changeaient des propos sur la langue que les Tunisiens emploient.
Alors que Yaalaoui affirmait la primautĂ© de l’arabe sur tout autre idiome, BĂ©chir Khraief lui lança la boutade suivante: « Imaginez que je suis au coin d’une rue et que passe une belle jeune fille.
Mon premier rĂ©flexe serait de lui lancer un admiratif « Ellotf alik! » (grosso modo « Quelle grâce divine! »). Mais si je reste Ă chercher l’Ă©quivalent de cette belle expression tunisienne en arabe littĂ©raire, la fille sera passĂ©e et je n’aurais pas encore trouvé ».
Jolie anecdote qui vient Ă sa manière nous rappeler que la toute première langue que nous apprenons, notre langue maternelle, c’est cet idiome tunisien qui nous est transmis par nos mères.
Que serions-nous sans nos langues maternelles, celles que nous tĂ©tons avec le lait, celles qui sont nos racines dans l’univers?
Tunisiens, nous parlons une langue mĂ©tissĂ©e, riche et plurielle. Et si c’est la langue de Laroui et Douagi, c’est aussi celle de nos grand-mères et de nos petits-enfants.
L’arabe, que nous apprenons Ă l’Ă©cole vient naturellement après et on pourrait, par boutade, le comparer Ă une langue paternelle. Cet arabe acquis par l’enseignement est aussi la langue constitutionnelle du pays et celle par laquelle s’expriment les mĂ©dias ou la littĂ©rature.
Cette langue tunisienne a aussi été admirablement maniée par Habib Bourguiba qui était parvenue à en faire la langue du discours politique et du contact direct avec le peuple.
Tout aussi symptomatique, des imams de plus en plus nombreux prĂŞchent en langue tunisienne pour ĂŞtre mieux compris et lorsqu’ils citent un texte saint, ils le font en classique mais expliquent ensuite en tunisien.
Cette langue tunisienne est notre trĂ©sor. Nous l’avons reçue de nos mères qui elles aussi l’ont reçue de leurs propres mères.
Tunisiens, nous parlons aussi hĂ©breu ou amazigh et ces transmissions se poursuivent aussi par la voix des mères de famille. Tunisiens, nous avons des richesses insoupçonnĂ©es lorsqu’il est question de langues maternelles.
En effet, par la grâce des Ă©pouses de nos enfants, les nouvelles gĂ©nĂ©rations peuvent avoir pour langue maternelle le russe, le japonais, l’espagnol ou le finnois, pour ne citer que quelques langues qui vivent dans notre pays.
En cette journée internationale de la langue maternelle (le 21 février), puissent toutes nos mères recevoir un vibrant hommage! Car, au fond, cette journée est une deuxième fête des mères!
