Parfois, il ne reste que leurs noms, et quels noms ! Parfois, des anecdotes viennent nourrir une lĂ©gende qui s’Ă©loigne…
L’ombre de Joe Guez et de Riella
Si le nom du grand Young Perez ou ceux de Sadok Omrane et Tahar Belhassen sont encore dans toutes les mĂ©moires, que reste-t-il du souvenir sportif de Rezgui Guizani, Simon Bellaiche ou Kid Aldo, la fiertĂ© des Italiens de Tunisie?Et pourtant, ils ont contribuĂ© Ă l’essor du noble art et laissĂ© leur sillage dans une Ă©poque oubliĂ©e. C’Ă©tait le temps de Joe Guez dont la salle se trouvait rue Eve Nohelle, celle de Brahim Jeune que nous avons connu sous les traits du grand journaliste sportif que fut Brahim Mahouachi, celle de Tijani Jeune qu’on surnommait La Mitraillette et celle aussi de l’Italien Riella qui eut l’insigne honneur de combattre Marcel Cerdan, alors en tournĂ©e de dĂ©monstration Ă Tunis.
La tournée de Marcel Cerdan en Tunisie
Cette tournĂ©e fut mĂ©morable. Le grand Marcel Cerdan Ă©tait alors la vedette d’un gala de boxe qui avait eu lieu au Théâtre municipal. Le grand champion avait combattu deux rounds contre Riella et deux autres contre une autre lĂ©gende tunisienne: le fameux Bahri qui tint longtemps une Ă©choppe de cordonnier Ă l’entrĂ©e de l’avenue de la LibertĂ©.
Les arènes d’une Ă©poque: Piscine, PĂ©pinière, Stade gaulois
En ce temps, on boxait au Théâtre mais aussi au Palais des sociĂ©tĂ©s françaises, devenue de nos jours la maison Ibn Rachiq, sur l’avenue de Paris. On boxait aussi Ă la PĂ©pinière ou Ă la Piscine municipale du BelvĂ©dère. Pour cela, on vidait les bassins et les boxeurs s’exhibaient dans la fosse.
Parmi les arènes de l’Ă©poque, il y avait aussi le « Normandie », une salle de spectacles qui se trouvait Ă l’emplacement de l’Africa. Il y avait aussi la salle du Stade gaulois qui se trouvait non loin de l’actuelle rue Kemal Ataturk. Plus tard, ce seront le Palais de la Foire et la Coupole d’El Menzah qui deviendront les lieux cardinaux de la boxe tunisienne.
De Moussa Saad Ă Emile Scemama
Dommage, tous ces boxeurs ont laissĂ© peu de traces. Le cinĂ©aste documentaliste Hichem Ben Ammar donne la parole Ă certains d’entre eux dans son film « J’ai vu des Ă©toiles en plein jour », sinon, il n’existe pas grand chose.
Comment dès lors retrouver la trace d’Emile Scemama, parti faire carrière en France? Comment retrouver les faits d’armes du Bizertin Titon Frank ou ceux de Moussa Saad, lui aussi de Bizerte mais qui sombra dans l’alcool? Que reste t-il de Abdelkarim Bhaiem dont on dit qu’il fut l’ami du fameux Ali Chouereb?
Coqs, mouches et welters…
Et tous les autres: les légers et les mouches, les coqs et les welters et tous les poids moyens qui ont donné ses lettres de noblesse à la boxe tunisienne ?
Dans mon enfance, j’ai connu un de ces boxeurs et, tous ceux de Bab Djedid le reconnaĂ®tront. Car c’est bien de Young Siki qu’il s’agit!
La légende de Young Battling Siki
Ce boxeur, je le croisais parfois, lorsque j’achetais des illustrĂ©s d’occasion chez Salah Bouzaiane, Ă la rue Bab El Fella. Très brun, trapu, quasiment aveugle, il Ă©tait recroquevillĂ© sur un tabouret et racontait ses histoires au boutiquier et Ă tous ceux qui passaient.
Son nom, il l’avait choisi car son idole, c’Ă©tait le SĂ©nĂ©galais Young Battling Siki qui avait battu le grand Carpentier par knock out au cinquième round, après un combat gravĂ© dans la lĂ©gende.
Un boxeur tunisien aux USA
Notre Ă©mule se rendit comme son idole aux USA et en reviendra aveugle. La rumeur veut que ce puncheur ait Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment aveuglĂ© Ă cause d’une poudre toxique sur les gants d’un de ses adversaires.
De retour en Tunisie, Young Siki ouvrira un salon de coiffure. On se souvient de sa canne Ă pommeau d’or qui lui avait Ă©tĂ© volĂ©e puis retrouvĂ©e grâce aux efforts du non moins fameux inspecteur Kaabachi.
Une génération dorée entre mémoire et oubli
On raconte aussi que sur le tard, il aimait se rendre Ă la PĂ©pinière y assister Ă des combats. Il s’asseyait alors sur les gradins et ses voisins lui dĂ©crivaient les combats en cours, l’allure des boxeurs, leurs tenues et l’ambiance sur le ring.
Young Siki s’Ă©teindra dans l’anonymat mais fut assurĂ©ment un grand champion, au point oĂą un jeune boxeur adopta son nom et fera sa carrière comme HĂ©di Siki. Ce dernier des Siki sera mĂŞme entraĂ®neur des boxeurs du Club Africain…
De toutes ces stars d’un temps rĂ©volu, ne demeure plus que la lĂ©gende…
