Les rĂ©formes de NĂ©ji Jalloul ont un goĂ»t prononcĂ© d’improvisation, un parfum insistant de crypto-islamisme et une dose Ă peine tolĂ©rable de narcissisme.
Le cheikh Jalloul veut maintenant frapper un grand coup et, par un effet de baguette magico-médiatique, supplanter la langue française par celle de Shakespeare.
Nul ne doute de l’importance de l’anglais et tous s’accordent Ă constater l’Ă©rosion du français en Tunisie et ailleurs.
Toutefois, ce qui dĂ©range dans les effets d’annonce du cheikh Jalloul, c’est le peu de sĂ©rieux de sa dĂ©marche. On ne dĂ©crète pas la rĂ©forme par communiquĂ©s de presse et, surtout, on ne rĂ©forme rien en se vautrant dans des mĂ©dias complaisants et revanchards.
Englué dans sa propre auto-célébration, souvent pris en flagrant délit de reculades discrètes après des déclarations fracassantes, le cheikh Jalloul agit en parfait démagogue et en populiste patenté.
Inventeur d’un poujadisme Ă la tunisienne, il se voit dĂ©sormais en fossoyeur de la langue française, comme pour mieux dĂ©structurer le laborieux bilinguisme des Tunisiens d’aujourd’hui. Car, comment parler d’une nouvelle deuxième langue par dĂ©cret alors que le dĂ©sert avance partout et que l’Ă©cole, toute l’Ă©cole, la vraie Ă©cole, est en train de foutre le camp.
Sous des apparences de rĂ©formateur, NĂ©ji Jalloul veut tarauder les fondamentaux de la Tunisie et le faire sans vergogne en multipliant les Ă©crans de fumĂ©e qui cachent le sens profond de l’action qu’il mène au nom de ses mentors d’Ennahdha.
En multipliant les initiatives de façade, en sapant les fondamentaux, en salissant l’image du corps enseignant, ce cheikh masquĂ© est en train de massacrer l’Ă©cole publique et dĂ©truire davantage les Ă©quilibres linguistiques prĂ©caires au lieu de les relever.
Car tout l’enjeu de cette pseudo-rĂ©forme, c’est de dĂ©truire ce qui reste de multiculturalisme chez les Tunisiens. Il n’aura Ă©chappĂ© Ă personne de censĂ© que Jalloul essaie depuis ses dĂ©buts Ă l’Education nationale de confiner la langue française dans un statut de simple langue vivante.
En d’autres termes, il essaie de vider le contenu de l’enseignement du français de ses aspects culturels pour en faire une simple langue vĂ©hiculaire, comme justement l’anglais, une simple langue de communication de base.
Ce faisant, le ministre Jalloul dĂ©pouille les Tunisiens d’une partie de ce qui fonde leur singularitĂ© culturelle. Au fond, le jour oĂą le français deviendra la langue optionnelle qu’il tente d’instaurer, il pourra claironner son succès aux intĂ©gristes qu’il sert par procuration.
Puis, en ce qui concerne l’anglais dont nous souhaitons aussi la large diffusion, rien ne dit qu’il sera enseignĂ© selon des normes qui en feront une seconde langue.
Enfin, pour reprendre les interrogations de plusieurs internautes, il est tout de mĂŞme particulièrement odieux de constater que celui qui rĂŞve de casser l’enseignement du français Ă l’Ă©cole publique inscrit ses propres enfants dans des Ă©tablissements français…
Comprenne qui pourra ! Car, en matière d’opportunisme, les scrupules n’ont pas cours et les Ă©lites qui se sont emparĂ©es de notre pays nous le montrent bien.
H.B.
