Il est dĂ©sormais bien loin le temps oĂč, Ă pareille Ă©poque de l’annĂ©e, le quartier de Lafayette frĂ©tillait de joie…
AprĂšs Kippour, la joie est de retour…
Tout le Tunis de la hara et des rues environnantes s’apprĂȘtait alors Ă sortir du jeĂ»ne de Yom Kippour et des rigueurs de cette fĂȘte pour s’ouvrir Ă la joie de Souccoth puis celle, tout aussi grande de Simha Torah.
Bien sĂ»r, ils sont encore quelques-uns, trop rares, Ă cĂ©lĂ©brer ces fĂȘtes juives d’une communautĂ© quasiment Ă©vanouie. Mais de Lafayette Ă Djerba, de la Goulette Ă Sousse et Sfax, la ferveur sera bien prĂ©sente, vivace, entretenue par la foi inĂ©branlable des minoritĂ©s.
Les palmiers de Gambetta et du BelvédÚre
Cette année, Souccoth sera célébré du 16 au 25 octobre avec une pleine lune au rendez-vous du quinziÚme jour du mois hébraïque de Tichri.
Cette fĂȘte juive est insĂ©parable de mon expĂ©rience personnelle et, toujours, je l’attends avec impatience et nostalgie.
C’Ă©tait Ă la fin des annĂ©es soixante lorsqu’arrivait Souccoth… Avec nos camarades juifs, c’Ă©tait alors une Ă©quipĂ©e fantastique Ă la recherche de branches de palmiers, qui nous menait aussi bien Ă Gambetta qu’au BelvĂ©dĂšre.
La soucca de nos rĂȘves
C’est qu’il fallait construire une soucca, une cabane de branchages qui, sept jours durant, resterait dans la cour ou le balcon. Sans nous soucier outre mesure du caractĂšre religieux de la fĂȘte, nous autres enfants rĂȘvions alors des promesses de cabanes qui nous projetaient dans le monde virtuel des bungalows de Zembla ou Akim ou encore parmi les trappeurs de Blek le Roc.
Ygal, Victor, Zembla et Blek le Roc
Avec Ygal et Victor, nous écumions les marges de la ville, réunissant branchages et feuillages, construisions notre petite hutte et attendions le jour fatidique pour dormir sous la soucca.
Je crois que je n’oublierai jamais ces moments si simples et enfantins, devenus des repĂšres de fraternitĂ© dans ma vie d’adulte. Je n’oublierai ni Ygal, fils de MardochĂ©e, dĂ©taillant de la rue Arago, ni Victor, fils de Gagou, boucher casher de la Hafsia. Ils sont toujours lĂ et me manquent Ă©normĂ©ment…
Pour revenir Ă Souccoth et aux significations de cette fĂȘte dont le cycle d’une semaine commence ce dimanche, je soulignerai d’abord la symbolique de cette cĂ©lĂ©bration qui invite les juifs Ă sĂ©journer, Ă©tudier, manger et dormir sous une hutte pendant une semaine.
Les huttes de l’errance et l’Ă©phĂ©mĂšre de nos vies
Souccoth nous rappelle que tout est Ă©phĂ©mĂšre, y compris notre propre maison. Cette fĂȘte est celle de notre prĂ©caritĂ© essentielle face au destin, notre dĂ©pendance d’un Dieu omniscient et omnipotent.
Cette fĂȘte a un caractĂšre joyeux et aussi des significations historiques et agricoles. En effet, Souccoth est associĂ© Ă l’errance du peuple juif dans le dĂ©sert, sur le chemin de la Terre promise. C’est en souvenir des huttes de l’errance que sont construites les fragiles cabanes de Souccoth, ces cabanes sans autre toit que des branchages qui laissent passer la lumiĂšre des Ă©toiles.
Dans un coin de jardin, un balcon ou une terrasse, la soucca est le symbole de toute prĂ©caritĂ© existentielle et il est commandĂ© aux juifs d’y s’journer une semaine durant.
Les rĂ©coltes d’automne
Souccoth a aussi une signification agricole car la fĂȘte intervient avec les rĂ©coltes d’automne. De ce fait, il s’agit aussi d’une action de grĂące pour l’annĂ©e Ă©coulĂ©e et une promesse pour l’annĂ©e Ă venir.
Cette dimension agricole culmine avec l’usage du « loulav » pour les priĂšres. Il s’agit d’un bouquet composĂ© de branches de palmier, de saule et de myrte qu’on tient dans la main droite alors que la gauche tient un cĂ©drat.
Le « loulav » et ses symboles
Ce loulav est agitĂ© de haut en bas et vers tous les points cardinaux pour signifier la prĂ©sence immanente du divin. Chacun des composants a de plus une signification prĂ©cise : le palmier symbolise l’Ă©pine dorsale, le saule la bouche, la myrte les yeux et le cĂ©drat le cĆur.
Enfin, Souccoth est avec Pessah et Chavouot, l’une des trois fĂȘtes de pĂšlerinage. Cette fĂȘte des cabanes ou des tentes est aussi « la » fĂȘte. A ce titre, on se contente parfois de la nommer simplement « hag », autrement dit la fĂȘte.
De Chmini Atzeret Ă Simha Torah
Souccoth se clÎt avec une double célébration de rituels qui lui sont associés mais demeurent indépendants.
C’est d’abord Chmini Atzeret qui consiste en la clĂŽture du huitiĂšme jour, aprĂšs le dĂ©but de Souccoth et intervient le 22 Tichri.
Le lendemain, c’est au tour de la fĂȘte de Simha Torah de faire son avĂšnement, le 23 Tichri. Cette fĂȘte joyeuse de la Joie de la Torah marque la fin du cycle annuel des lectures hebdomadaires de la Torah et son nouveau recommencement.
Lors des priĂšres vespĂ©rales, les rouleaux de la Torah sont portĂ©s par les fidĂšles qui tourneront sept fois autour de la « bimah » de leur synagogue. Tournant autour de l’estrade de lecture, les fidĂšles chantent et dansent aprĂšs chaque boucle.
Les fiancés de la Torah
Cette cĂ©lĂ©bration de Simha Torah est riche de plusieurs traditions parmi lesquelles celle des fiancĂ©s de la Torah, les « hatanim » qui incarnent la coutume selon laquelle les cycles de lecture du texte sacrĂ© ne doivent jamais s’interrompre.
Ainsi, le « hatan Torah » lira la derniĂšre section et sera tout de suite relayĂ© par le « hatan bĂ©rĂ©chit » (le fiancĂ© du dĂ©but) qui lira la premiĂšre section du texte sacrĂ© invitant l’assistance Ă ne jamais se lasser de lire et relire la Torah.
Le souvenir de tant de souvenirs
Avec Souccoth, Chemini Atzeret et Simha Torah, ce sont des jours de fĂȘte Ă Lafayette que je voudrais Ă©voquer avec une pensĂ©e Ă tous mes amis dans la communautĂ© juive de Tunisie.
Ces jours de fĂȘte, j’y ai souvent participĂ© avec le cĆur et ils me lient insĂ©cablement Ă la scĂšne de mon enfance et Ă l’atmosphĂšre unique et au souvenir qui irradient les rues de Paris, de Londres et de Lafayette.
En Ă©crivant, je repense Ă Manino, Khamous, le Novelty et le Robinson, la rue de Madrid et l’ombre de Habiba Messica, Ygal et Victor bien sĂ»r, et tous les autres qui gardent cette joie de Tunis au fond de leur cĆur et au bord de leurs mĂ©moires.
Hannouka et la promesse des lumiĂšres
AprĂšs le temps de Souccoth, viendra celui de Hannouka et des LumiĂšres. Que rendez-vous soit pris pour de nouveaux jours de fĂȘte qui se poursuivront du 24 dĂ©cembre au jour de l’an grĂ©gorien.
Hag Souccoth Sameh! Bonne fĂȘte et que rĂšgne encore et toujours notre joie Ă Lafayette…
H.B.
