Comme c’est samedi, on va causer un peu Ă la lĂ©gĂšre, comme si nous Ă©tions assis autour d’un pot. Il faut en effet que je vous raconte que si les frĂ©rots sont de plus en plus nombreux Ă se laisser pousser la barbe et Ă se frotter le front avec de l’ail pour rajouter de l’ostentatoire Ă leurs priĂšres, je vois aussi de plus en plus de bobos et de yuppies et cela me rassure !
La classe moyenne se maintient vaille que vaille
Les bobos sont les bourgeois-bohĂȘmes qui vivent dans les milieux artistiques, rayonnent sur les banlieues huppĂ©es et donnent une image cool au quotidien.
Quant aux yuppies, ce sont les Young Urban Professionnals qu’on voit, hors de leurs bureaux, Ă l’heure du dĂ©jeuner et qui, Ă leur maniĂšre et dans leur style de vie, boostent la consommation et contribuent Ă maintenir une classe moyenne mise Ă mal par la crise.
Voiles sexy et clodos jetés à la rue
Les uns nĂ©os, les autres archĂ©os, ce sont les deux versants d’une Tunisie qui rĂȘve de futurs diffĂ©rents et hĂ©site entre le voile sexy et le tailleur sĂ©vĂšre, entre le complet-veston et le look oriental.
Ils et elles sont les mille et un visages croisĂ©s dans nos villes, les forces vives d’une jeunesse qui ne regarde toujours pas assez en direction des rĂ©gions dĂ©favorisĂ©es ou mĂȘme des clodos-hoboes de plus en plus nombreux qui hantent les rues, laissĂ©s pour compte par la rĂ©cupĂ©ration islamo-libĂ©rale de la rĂ©volution tunisienne.
L’effrayante arrogance de ceux qui se croient savants
Tous, dans cette diversitĂ© qui dĂ©sormais nous fonde, devrions davantage aller vers l’autre, le dĂ©muni, le squatter, le rural dĂ©racinĂ© ou le mendiant exploitĂ© par d’innommables filiĂšres de la traite.
La crise est la mĂȘme pour tous et les potions libĂ©rales vont faire davantage de casse encore car, dans une sorte de tour d’ivoire calfeutrĂ©e et Ă©loignĂ©e des rĂ©alitĂ©s, ils sont nombreux parmi les Ă©lites et mĂȘme les gouvernants, Ă prĂŽner des solutions inhumaines au nom de thĂ©ories nĂ©o-libĂ©rales et d’une effrayante arrogance savante.
« Nous ne sommes pas des cobayes »
Ces experts venus de nulle part, parachutĂ©s par le capitalisme international dans ce qu’il peut avoir de plus aveugle, ne connaissent pas la Tunisie, se contentent d’aligner des chiffres et des graphiques, n’ont aucune empathie avec le peuple qui se rĂ©sume pour eux Ă une abstraction, une simple donnĂ©e incidente.
Ces experts devraient apprendre Ă mettre du social dans leurs raisonnements sinon ils vont nous mener Ă une catastrophe promise. Ils devraient regarder autour d’eux, rĂ©aliser que nous ne sommes ni des cobayes ni es robots et que le plus modeste des paysans porte un savoir-faire aussi valable que le leur, tout bardĂ©s de diplĂŽmes qu’ils soient…
Des technocrates enfermés dans leurs certitudes et coupés du peuple
Ce pĂ©ril d’une sortie de crise envisagĂ©e au nom des chiffres et des grands Ă©quilibres pourrait nous mener au gouffre. Ce danger est imminent et si les Ă©lites ne jugent pas utile d’adopter une dĂ©marche pĂ©dagogique pour entĂ©riner les rĂ©formes, les nuages seront nombreux et les orages fulminants.
C’est une simple question de bon sens et ce serait ĂȘtre complĂ©tement « barjo » de l’Ă©luder au nom de la toute-puissance que peuvent ressentir certains technocrates-robots, enfermĂ©s dans leurs certitudes et totalement coupĂ©s de la vie des Tunisiens qu’ils soient bobos, frĂ©rots, yuppies, nĂ©os, archĂ©os ou provisoirement clodos…
H.B.